La Petite Interview de Tiramisù a eu lieu sur le stand virtuel des Courants Alternatifs à la CyberConv le samedi 4 avril 2020.

Eugénie : Hello à tous et à toutes, on va commencer la petite interview n°3 avec Tiramisù. Je vous propose de me laisser dérouler quelques questions générales dans un premier temps, pour que tout le monde puisse découvrir les jeux de Tiramisù ; et puis je vous donne la parole ensuite pour que vous lui posiez vos questions directement. Les plus naïves sont les bienvenues, les plus spécialisées hardcore aussi.

Re-re-rebonjour Tiramisù , est-ce que tu peux te présenter pour les personnes qui ne te connaitraient pas ?

Tiramisù : Salut ! je suis un rôliste, quarantenaire et parisien. Je suis auteur de jeux de rôle et membre de la communauté des Courants Alternatifs. Et je fais bien plus le malin en tenant ce stand qu’en répondant à cette interview…

Eugénie : Hahaha ! est-ce que tu peux nous parler un peu de ton parcours rôliste ?

Tiramisù : Parcours, hum. J’ai commencé les jeux de rôle un peu après les livres dont vous êtes le héros, il y a fort fort longtemps ! Premier choc avec Chroniques d’Outre Monde ! Un magazine que je dévorais quand j’étais ado. J’ai joué des années à plusieurs grosses campagnes qui m’ont beaucoup apporté. Plus souvent en tant que joueur que mj au passage.

J’ai à un moment recherché du renouveau dans ma pratique, il y a des jeux dont je « voyais les fils », j’avais un peu fait le tour. C’est avec le podcast de la Cellule que je me suis ouvert à des tas de nouveaux jeux, second choc.

J’adore l’idée que le jeu de rôle soit un média dans lequel on puisse trouver des expériences diverses, et adaptées à des personnes ou à des moments différents.

Eugénie : Est-ce que tu nous parlerais de La Vie de l’Absent ? pour présenter le jeu ?

Tiramisù : Parmi les jeux évoqués par le Cellule, qui m’ont beaucoup influencé, il y a eu les Petites Choses Oubliées qui m’ont appris que l’on pouvait utiliser le JdR que j’adore pour jouer des histoires intimes.

Un soir une personne de ma famille m’a raconté qu’elle avait assisté à un enterrement d’une voisine, et qu’elle savait très peu de chose de la vie de cette personne. J’ai eu envie de créer un jeu de rôle pour explorer cela, des vies ordinaires de personnes que l’on cotoie, qui nous sont proches, et les recréer en partant d’un instant ou les souvenirs de cette vie disparaissent, leur décès.

La Vie de l’Absent est un jeu de rôle sans meneur qui se joue en une heure environ et où l’on joue les proches d’une personne défunte, qui souvenir après souvenir vont créer la vie de cette personne et ressentir en quoi leurs personnages respectifs lui était lié.

Eugénie : C’est un jeu sur le deuil, qui est émouvant mais pas triste… comment tu expliques ça ?

Tiramisù : Sur le deuil oui, pas seulement. On peut jouer à ce jeu avec différentes tonalités, et se réjouir d’avoir fait partie de la longue et belle vie d’une personne. Et si le décès est le point de départ du jeu, il n’est pas le sujet.

D’ailleurs souvent on ne cherche pas dans la partie à savoir comment la personne est morte. Mais on s’attarde bien sur ce qui en faisiait une personne singulière et importante aux yeux des personnages.

Eugénie : Il y a quelque chose de déroutant à ce que le personnage principal ne soit pas un PJ mais l’absent, justement ?

Tiramisù : Un dispositif tradi aurait peut-être donné ce rôle central au MJ qui aurait préparé auparavant. Mais cela ne marche pas comme ça dans la Vie de l’Absent.

Eugénie : Est-ce que tu peux détailler comment fonctionne le jeu ?

Tiramisù : Le jeu fonctionne en 5 temps, et accompagne dans le déroulement. D’abord on se mets d’accord sur la tonalité et sur les sujets que l’on aurait pas envie d’aborder. Ensuite on pose en quelques phrases ritualisées qui est son personnage et quelle est sa place vis à vis de l’absent. Ensuite on prend la parole pour partager les souvenirs de son personnage concernant l’absent. Le jeu est centré sur l’écoute, sur le fait que les joueuses vont découvrir des choses sur l’absent en meme temps que leurs personnages.

Eugénie : Parce qu’on aura pas toutes vu la même facette de la personne ?

Tiramisù : Oui on a pu le côtoyer à des époques différentes, par exemple le vécu d’un frère ne sera pas celui d’une petite fille. Ensuite vient un temps ou l’on peut s’offrir des petites choses, les héritages, pour se réconforter. Et enfin on debrief la partie !

Eugénie : Est-ce que tu peux citer un retour de joueur ou joueuse qui t’a marqué ?

Tiramisù : Comme le jeu touche à l’intime j’ai eu pas mal de retours touchants. L’un d’eux provient d’une personne qui – en jouant – s’est rendu compte que tout ce qu’il savait de son père – son vrai père, pas celui du perso – était ce qu’on lui en avait raconté, comme dans le jeu.

Eugénie : Wow.

Tiramisù : Cela fait toucher du doigt pleins de choses qui me tiennent à coeur, être attentifs aux autres et aux récits. Je suis né en tant que Tiramisù en 2017, en sortant ce jeu… j’ai 3 ans !

Eugénie : Est-ce que tu inscrirais ton jeu dans la mouvance « Care » (ou des « jeux qui ont du coeur » pour cite Matthieu Bé) ?

Tiramisù : Ouais carrément. Dans la Vie de l’Absent on est invité à écouter très fort les autres, à prendre ce qu’ils disent en considération, à offrir, c’est dans cet esprit.

Eugénie : Sur ton site, on trouve d’autres choses très chouettes, comme le deck de cartes Pimp my Roleplay, tu peux nous en parler ?

Tiramisù : Oh yes ! C’est un outil que je trouve génial !

Eugénie : Moi aussi !

Tiramisù : C’est une idée fomentée sur les Courants Alternatifs il y a un moment, un deck de suggestions pour jouer une partie de jeu de rôle en la pimpant, en changeant un détail à sa manière de jouer ou de se comporter en jouant. Une aide de jeu pour tous jeux, tradi ou non, et spécifiquement tourné vers les joueurs et les joueuses. C’est pas une table des lois qui dirait ce que c’est de Bien Jouer. Au contraire c’est tout un tas de suggestions, parfois contradictoires, pour tester de jouer autrement.

Eugénie : J’ai encore quelques questions dans ma besace, mais si vous voulez intervenir et poser les vôtres, n’hésitez pas !

Tiramisù : Quelques exemples pour illustrer : concède ton prochain conflit à ton adversaire / montre les croyances de ton personnage / fais une bourde et sors-toi du pétrin. Ça se présente sous la forme de cartes, c’est téléchargeable et imprimable à la maison.

Eugénie : Il y a un autre jeu sur lequel tu travailles, dont j’ai pu lire une version beta, qui s’appelle « Avec toi« . Est-ce que tu voudrais nous en parler ?

Tiramisù : Ouais volontiers. Il y a des personnes qui s’attachent à créer des jeux pour tous ages et accessible pour des enfants. C’est très cool mais là avec ce jeu j’ai eu envie de créer un jeu pour adultes spécifiquement, et de traiter de sexualité.

La sexualité et le jeu de rôle c’est pas forcément deux ingrédients qu’on a l’habitude de cuisiner ensemble. Pourtant ce média pourrait servir à expérimenter dans le cadre du jeu des conversations qui parlent explicitement de sexualité. Pour cela il faut un jeu qui fasse bien la différence entre la sexualité des personnages et celle des participants. C’est ce à quoi je me suis collé avec « Avec toi ». Ce jeu propose de jouer une conversation intime entre deux personnages qui parlent de leur sexualité, de ce qu’ils aiment faire ensemble, de ce qu’ils ont envie de changer

Public : Coucou Tiramisù ! Je lis la petite interview depuis son début, je salue déjà ton travail sur La vie de l’absent que je trouve très beau et touchant. Concernant Avec toi, je trouve le projet à la fois audacieux et original, parce que c’est un sujet délicat. Et sur ce point, est-ce que tu as réfléchi à des dispositifs qui permettraient d’encadrer ou de lancer le jeu en toute bienveillance justement ? Est-ce que tu aurais des exemples ?

Tiramisù : Merci pour ce retour. Il y a sur mon petit site un rapport de partie, cette partie a été joué sur Octogônes 2019 avec une personne qui était passé sur le stand, au beau milieu des autres tables de JdR. Ce rapport de partie ne dis pas comment on joue, il raconte plutôt la fiction.

Dans Avec Toi on crée des personnages et on tire dans un deck les pratiques qui font leur sexualité, de manière à ce que ce dont on parle soit clairement encadré par le jeu. J’ai mis des petits mécanismes de véto et de réglage de l’intensité, pour que l’on soit à l’aise. J’ai fait des playtests avec des rôlistes comme avec des personnes qui n’avaient jamais fait de jeu de rôle de leur vie.

Public : Okay ! Du coup, ma prochaine question répond un peu en soi, mais par rapport au plan de la « thérapeutique », comment placerais-tu tes créations et tes projets ? C’est peut-être un peu fort, mais en un mot, crois-tu à un pouvoir de « thérapie » du jeu de rôle, en créant évidemment une ligne claire entre fiction et réalité ? (je trouve le réglage d’intensité et le tirage des pratiques vraiment bien pensé)

Tiramisù : Je n’ai pas de formation thérapeutique et je me garde de donner ce label à mes jeux. J’ai pourtant, notamment avec ce dernier jeu, envie de faire des jeux qui offrent des expériences qui peuvent « faire du bien ». Pas pour tout le monde ! mais peut être à certains, et à moi en tout premier lieu.

Public : (Merci pour ta réponse !)

Eugénie : On s’approche de la fin de cette interview, je te propose une dernière question.

Tiramisù : ça passe vite quand on est sur le grill…

Eugénie : hahahaha ! Est-ce que tu peux citer un autre jeu des CA que tu aimes ou qui t’intéresse tout particulièrement ?

Tiramisù : Pffff dur, j’aime beaucoup de ces jeux. Je vais parler de Happy Together, de l’inépuisable Willox (Gaël Sacré). C’est un jeu de rôle qui propose de vivre un bon moment entre les personnages, de désamorcer les grands enjeux pour se concentrer sur l’instant. C’est joli, délicat, malin, fort bien écrit et vraiment ça donne de belles parties.

Eugénie : Super chouette ! merci à toi pour cette interview…

Tiramisù : Merci Beaucoup !

Tiramisù, la Petite Interview
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