Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

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Frédéric S
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Frédéric S » 28 mai 2018 21:29

Tu as raison KamiSeiTo, c'est pour ça que j'ai mis "Système zéro" entre guillemets au départ (bon, c'était pas clair, je le reconnais).

En fait, contrairement à l'article de Brand sur le sujet, je pense que chaque jeu possède son propre système zéro : le système zéro de Prosopopée ne peut pas être le même que celui de D&D ou de Bliss Stage. Bien sûr, on peut arguer que ce sont les règles qui font que la production de fiction pure, dans chacun de ces trois jeux, est différente. Mais justement, je crois que les systèmes zéro sont des conventions. Chaque table pourra en avoir un sensiblement différent, mais le système zéro de la plupart des JdR classiques sont en fait incompatibles avec un jeu comme Prosopopée ou Bliss Stage parce que les systèmes zéro classiques sont des conventions :
  • Le MJ peut-il définir ce que fait ou dit mon personnage ?
  • Le MJ peut-il raconter les conséquences de mes actions ?
  • Le joueur peut-il décrire ce qui lui appartient ?
  • Le joueur peut-il décrire son PJ physiquement ? Dans certains jeux ce sont les caractéristiques qui définissent la taille, la carrure et d'autres traits physiques du personnage.
  • Vu que le MJ possède un scénar scripté, a-t-il le droit de rendre mon action caduque pour éviter que mon personnage sorte des clous ? (c'est du système zéro ça ou pas ?)
  • Le joueur doit-il décrire son intention avant d'agir ou laisser le MJ l'interpréter librement ?
  • Le joueur a-t-il le contrôle des pensées de son personnage ? Alors pourquoi le MJ lui dit "tu as peur" dans l'Appel de Cthulhu ou dans Warhammer ?
    Etc.
Voir, dans l'article, l'exemple de la façon dont on découpe l'action dans les JdR classiques et le fait que des débutants ne procèdent pas du tout de cette manière intuitivement. Je pense que tout ça on l'apprend. Et cette façon de produire de la fiction est en fait modelée par la structure et les règles du jeu.

Dans un jeu qui sort de l'ordinaire, on a tendance à définir ce "système zéro" (qui n'en est donc plus un selon la définition de Brand). Donc, j'ai redéfini sauvagement ce concept pour les besoins de mon explication : pour moi le système zéro originel est juste un système qui repose sur des règles tacites. Dans ma version, il veut dire "comment on produit de la fiction dans ce jeu hors des mécaniques". (j'espère que Brand ne m'en voudra pas de hacker son concept, je crois qu'il faut que j'utilise un autre terme en fait). :)

Eugénie
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Eugénie » 30 mai 2018 22:38

Est-ce que par "système zéro d'un jeu" tu veux dire "une façon adaptée d'y jouer" ?

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Frédéric S
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Frédéric S » 30 mai 2018 23:45

Oui, c'est une bonne façon de le dire : façon de jouer dans le sens du jeu (chez certains jeux cette façon adaptée est diverse).

Eugénie
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Eugénie » 31 mai 2018 00:08

Du coup je ne comprends pas tes exemples et ce qui fait que tu places une limite entre "système zero du jeu" et "compensation" dans l'acte de jouer.

Pour prendre ton premier exemple de compensation pratique de joueuse, en quoi faire attention à ne pas monopoliser la parole sortirait d'une façon adaptée de jouer au jeu ?

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Frédéric S
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Frédéric S » 31 mai 2018 17:22

C'est de la compensation si ce n'est pas dans le corpus de règles (ou quelque chose induit par sa dynamique).
Dans le cas du partage de temps de parole, par exemple, les jeux découpé en scènes le font parfois naturellement. Les jeux où rien n'est fait pour structurer le temps de parole, les groupes qui le mettent en place compensent (et c'est cool). Mais bon, on est dans quelque chose d'assez particulier.

Bien entendu, on ne peut pas tout mettre dans un texte de jeu, mais on peut en mettre suffisamment pour que la compensation soit ténue (ou inexistante).

Felondra (Emmanuel)
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Felondra (Emmanuel) » 01 juin 2018 14:51

Est-ce que tu considères que par exemple, l'ajout d'outils de sécurité émotionnelle (de l'ordre de la carte X) est de la compensation si celle-ci n'est pas prévue dans le livre de base ? Même chose pour le contrat social, la nécessité de faire des débriefings et d'autres pratiques qui encadrent la partie (décorer la salle en accord avec le jeu, utiliser des dés thématisés, etc.) ?


Autre question : est-ce que pour toi la compensation peut s'étendre au-delà du temps de jeu lui-même ? Par exemple, si une tablée fait un repas en rapport avec l'univers (manger des burgers avant de jouer une partie de Unknown armies se passant chez MacDonalds comme le permet le cadre MacAttack, par exemple), est-ce que c'est de la compensation ? Si elle parle du jeu hors-séance alors que ce n'est pas précisé qu'il "faut" ou qu'il est "conseillé" de le faire (comme dans Sens, un des seuls jeux à ma connaissance où la base précise qu'il est conseillé de parler du jeu hors-séance) ?

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Frédéric S
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Frédéric S » 01 juin 2018 17:21

Pour la sécurité émotionnelle je pense que oui, parce que ça peut toucher au bon fonctionnement de la démarche créative (si on joue en Je ne t'abandonnerai pas notamment).

Pour la deuxième question, c'est plus compliqué, parce que ça pose la question de "est-ce que manger des burgers avant la partie ou parler du jeu hors partie fait encore partie du jeu" et ça dépend un peu des écoles. Par exemple, le Big Model ne considère comme "la partie" que ce qui intègre l'Espace Imaginé et Partagé. C'est-à-dire ce qui est porté à la connaissance de tous les participants (bien sûr, il peut toujours y avoir des cas particuliers, mais les apartés sont assez mal vues de ce fait).

Après perso j'ai pas d'avis figé sur la question.

Guylène
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Guylène » 01 juin 2018 17:27

Hello Hello !!

J'ai aussi une question / remarque par rapport à ton article Frédéric, et je me suis retrouvée avec les mêmes interrogations qu'Eugénie sur la frontière entre "jouer" et "compenser".

J'ai du mal à comprendre comment on peut jouer au jdr sans apporter quelque chose avec soi "en plus" des règles.

A la lecture de ton article, j'ai eu l'impression qu'une partie où on ne compense pas, c'est une partie de jeu de plateau où tout le monde respecte les règles, sans rien y ajouter. Le JDR ayant une forte composante d'interprétation, d'improvisation et de réactions (au sens de "réactivité"), comment faire pour ne rien apporter à l'expérience de jeu qui ne soit pas dans les règles? Il me semble que les règles, à priori, ne suffiront jamais à combler la partie humaine du jdr. J'ai le sentiment personnel que la qualité d'une partie de jdr repose toujours sur les joueurs autant que sur le jeu.

Est-ce que tu aurais des exemples à donner de jeux de rôle où la compensation, au sens où tu l'entends, n'est pas nécessaire?

Peut-être que je n'ai pas bien compris ton propos hein, donc n'hésite pas à me corriger si je surinterprète quoi que ce soit.

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Frédéric S
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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Frédéric S » 02 juin 2018 12:42

Salut Guylène,

Ok, je me rends compte que je ne suis pas clair.

La compensation ne concerne que l'apport des participants au système en fait.

Si dans une partie de D&D, un joueur dit "j'attaque avec mon épée" ou s'il dit "je dégaine mon épée rutilante et en assène un coup d'estoc". Ben il ne compense pas. S'il interprète son personnage non plus. On est hors du champ de la compensation.

Si en revanche il fait la même chose en modifiant, adaptant ou en améliorant les règles de D&D, là il compense.
Par exemple : il peut très bien décider de raconter ses succès (ça c'est pas dans les règles de la 3.5 si je dis pas de bêtises).

Pareil côté MJ, sauf que c'est un peu plus traître de son côté, puisqu'en général, les jeux laissent un peu le MJ faire les choses à sa façon.
Si le MJ dit "en haut de la falaise vous toise un hippogriffe" il ne compense pas.
Si les joueurs attaquent la bestiole et que le MJ décide qu'il s'enfuit parce qu'il en a besoin pour une autre scène et donc qu'il contourne les règles juste une fois, ça s'apparente à de la compensation.
(Bon, je prend un exemple comme j'aurais pu en prendre un qui se passe dans une interaction sociale ou autre. Le choix de la fiction ici est arbitraire.)

Sauf que j'ai une compréhension du système qui va plus loin que les mécaniques du jeu.
Dans l'utilisation du scénario, mais aussi dans la façon dont le groupe apprivoise le jeu et la façon dont le groupe harmonise ses attentes.
Quand on a l'habitude de jouer ensemble, on développe souvent des pratiques convergentes (mais pas toujours). Ça c'est les exemples que je donne dans le bouquin au chapitre Compensations majeures avec mon exemple avec le jeu historique et les exemples de Karen et Farah.

Dans ces exemples-là, les questions d'harmonisations des pratiques autour d'un même jeu laisse voir des techniques de jeu différentes et qui ne viennent pas du jeu lui-même.
Le fait de jouer en cherchant à déjouer les pièges du MJ ou en priorité en favorisant l'interprétation et la cohérence du personnage n'est pas en soi quelque chose d'extraordinaire. Mais quand à une table on a des divergences, on réalise qu'il y a un apprentissage du jeu différent.
Et ces apprentissage sont des façons différentes de jouer au jeu (et donc de compenser).

La question de l'harmonisation est cruciale pour moi. Mais je peux comprendre que beaucoup ne gardent que la compensation pratique, scénaristique etc. Qui est plus fréquente et plus facile à identifier.

On pourrait résumer tout ça en "la compensation, c'est tout ce qui est méta". Parce que dégainer son épée pour se battre peut se produire dans un paquet de jeux différents, mais c'est ce qui se passe autour qui va constituer de la compensation.
- la joueuse A dégaine son épée et attaque parce que les gens de son peuple agissent ainsi
- la joueuse B dégaine son épée et attaque pour minimiser les risques et avoir une chance de briller par cette action
- la joueuse C dégaine son épée et attaque parce qu'elle préfère mourir à la place de son ami
- la joueuse D dégaine son épée et attaque pour faire écho à la narration faite par joueur E il y a deux scènes
Ce qui relève de l'apprentissage du jeu et des habitudes acquises c'est la partie en italique. Et c'est ce qui peut varier considérablement d'une joueuse à l'autre, d'une table à l'autre et qui n'est souvent pas indiquée dans le texte du jeu.

Dans un jeu comme Bliss Stage ou Shades (pour prendre des exemples trouvables en français), l'ensemble du jeu est conçu pour faciliter la cohésion du groupe dans une direction commune. Ça ne veut pas dire que les joueurs sont obligé de le faire, mais ça facilite l'harmonisation des pratiques.

Est-ce plus clair dit comme ça ?

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Re: Limbic Systems - blog de réflexions sur le JdR

Message par Frédéric S » 02 juin 2018 14:02

Hmmm, je me rends compte que j'oublie un bout dans mon explication :

Dans les phrases "La joueuse X dégaine son épée..." la compensation vient du fait de mettre en place les éléments de système et les techniques de jeu qui permettent de jouer ensemble dans la même direction au moins sur la durée d'une partie. Car ce ne sont pas les mêmes dans chacune des approches possibles (ou en tout cas il faut un ensemble de règles et de techniques adaptées, ou du moins tournées de façon adéquate).
La compensation c'est pas "parce que les gens de son peuple agissent ainsi" ni "pour minimiser les risques et avoir une chance de briller par cette action", mais tout ce qu'il faut de système et de techniques pour que tous les participants épousent la même démarche de jeu. Y compris le fait d'être conscient du fait qu'on ne joue pas de la même façon et les efforts personnels pour corriger le tir.

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