Bonjour Fabien,
Je m’exprime en tant que joueur, lecteur et acheteur de JdR, et d’écrits en général. Je livre mes impressions et opinons telles quelles, pas pour les imposer, ni pour critiquer celles de qui que ce soit, mais uniquement pour les partager.
Je ne consomme presque plus qu’exclusivement du format électronique. Parfois, j’achète encore le bundle epub/pdf+livre, mais de plus en plus rarement. Je constate que le livre papier reste toujours intouché dans ma bibliothèque. Parfois j’achète le format papier seul, en général parce qu’il n’est pas disponible en dématérialisé (parce que c’est un jeu/livre d’occasion, parce que le format électronique n’existe pas, ou parfois, parce que je me suis laissé attirer par le bel objet qu’est le livre, que le pdf était cher et que l’association pdf+livre n’offrait pas de réduction), c’est toujours une erreur. L’ouvrage demeure abandonné dans ma bibliothèque, je ne le lis jamais et je n’y joue jamais. (
Sens, par exemple, est toujours distancé par ses cousins plus agiles, pourtant je suis vraiment curieux de le lire. [edit]Même chose pour
Monostatos, je dois bien le dire.
Sphynx est une exception, avec
Sombre, et pour le premier c'est uniquement parce que j'avais commencé par le playtest qui était, lui, dématérialisé.[/edit])
Pourquoi le pdf (ou plutôt : le format électronique) ?
- Il ne me demande pas de trouver de la place, d’ajouter des étagères.
- Je peux avoir – non, j’ai ! – des centaines d’ouvrages dans ma poche.
- Je peux lire au lit sans déranger ma compagne, la tablette est lumineuse et ne la dérange pas comme une lampe.
- J’ai des problèmes de vue depuis quelques années. Lire un livre était devenu difficile et fatiguant, puis quasi impossible. La tablette résolvait ce problème d’un glissement de deux doigts pour un coup nettement inférieur à celui des lunettes (j’ai depuis quelques jours pu investir la somme nécessaire aux lunettes adéquates, c’est mieux).
- Les ouvrages ne se détériorent pas, de se perdent pas, ne sont pas en désordre ; je n’ai pas de problème pour les ranger parce qu’ils sont hors format, parce que les ouvrages d’une thématique n’ont pas les mêmes formats ou ne tombent pas juste par rapport aux longueurs des planches…
- Je peux les annoter librement, bénéficier des dictionnaires, partager un extrait avec quelques clics.
- La recherche en plein texte ; les hyperliens de la table des matières, de l’index, au sein du texte… c’est hyper pratique. Encore plus quand le livre est augmenté : lien vers une playlist, vers le site de l’auteur, vers le forum des règles,…
- Je joue principalement sur table virtuelle, je peux facilement faire un copier-coller de la partie de la base que je veux ou ai besoin de montrer aux autres participantes, ou partager mon écran en affichant mon lecteur. Avec le papier, je dois scanner ; cela prend du temps pour un résultat nettement moins bon et utile.
- J’élimine une bonne partie d’intermédiaires et de frais inutiles entre l’auteure et moi : papier, impression, stockage, (trans)port, distribution.
- La livraison est quasi instantanée, les ouvrages ne se perdent pas dans le transport, ne subissent pas de délai de livraison imprévu ou tout simplement longs, ne sont pas écornés ni déchirés.
- Les auteur.e.s peuvent mettre les ouvrages à jour, corriger les coquilles et les erreurs, … C’est d’ailleurs parfois l’occasion pour l’auteur.e d’entrer en contact avec son public.
- Le format électronique peut-être lu par synthèse vocale. Je ne le fais pas souvent, mais c’est appréciable.
Aujourd’hui, la seule raison pour que j’achète du papier est quand l’ouvrage est vraiment un bel objet, une belle qualité de fabrication (et donc certainement pas ce que propose Lulu) ou quand il y a du matériel de jeu. Exemples pertinents :
Aux Marches du Pouvoir,
Fall of Magic (pour ce dernier, je constate d'ailleurs que toutes mes parties sont virtuelles, malgré le magnifique matériel).
Aujourd’hui, la seule chose qui me manque avec les formats électroniques, c’est l’aspect de partage social. Il n’est pas exposé au regard des autres quand je le lis dans les transports en commun, quand je l’utilise à la table de jeu ; il disparaît quand je cesse de le lire, il ne traîne pas sur la table du salon, il n’est visible sur aucune étagère ; personne ne peut le prendre et le feuilleter. C’est un réel problème pour moi, mais les avantages du format sont tellement flagrants !
Je pense que mon appréciation du format vient aussi de ce que j’ai investi (raisonnablement) dans une tablette dans ce but-là : la qualité d’écran est top. Je pense qu’avec la démocratisation et la popularisation de matériel performant, de plus en plus de personnes vont effectuer la transition.
Ce que j’attends, grosso-modo par ordre d’importance décroissante :
- Un format lisible sur écran. Les ouvrages du Grumph sont très bien pour cela.
- Et donc une mise en page adéquate, qui permet de lire sur téléphone, tablette et ordinateur (pour cela l’epub est imbattable, merci Lapin Marteau, merci Pelgrane Press)
- Et donc un poids de fichier raisonnable. Les fonds de page en image sont déjà très énervant sur impression papier (ils nuisent gravement à la lisibilité, avec mes problèmes de vue je vous le garanti), en version informatique ils alourdissent souvent inutilement et très fortement les fichiers (surtout quand l’image est dans le fichier recopiée à chaque page plutôt que référencée à chaque page). De même, la résolution nécessaire aux illustrations pour la lecture à l’écran est nettement plus faible que celle nécessaire à l’impression, n’utilisez pas la même version par pitié. Déjà que même avec des images allégées, ce sont celles-ci qui vont faire facilement 95% du poids du fichier, alors que le contenu le plus intéressant et celui que je recherche est le texte, les moins de 5% qui demeurent… Pourquoi un poids de fichier raisonnable ? Pour que la manipulation du pdf soit rapide. Les pdf de Channel Fear d’Yno, par exemple, sont très longs à charger, prennent du temps pour afficher chaque page, chaque vignette, même sur mon PC fixe. Ceux du Grumph sont rapides comme l’éclair.
- Aucun DRM
- (Certain.e.s prévoient un pdf léger pour la lecture à l’écran, un pdf à plus haute résolution pour l’impression – merci à e.lles.ux !)
- Une table des matières, un index et des signets fonctionnels, avec les hyperliens qui vont bien.
- Des liens de renvoi au sein du texte, si c’est pertinent, ceux qui pointent vers d’autres partie de l’ouvrage, mais également ceux qui pointent vers l’extérieur (playlist, site de l’auteur, …)
- Une livraison séparée des éléments que je pourrais vouloir montrer, pour les placer sur un table virtuelle (illustrations, plans, résumés des règles, fdp) ou les imprimer. Et donc, idéalement, dans un format adéquat (jpg pour les illustrations, pdf ou intégré à une table virtuelle pour les fdp).
Sur la question du prix, pour moi le cout du pdf et du livre devrait s’établir de la même manière : émolument des auteur.e.s + couts extérieurs à l’auteur. Le cachet des auteur.e.s pouvant être calculé en pourcentage du cout total ou en valeur, les deux donnant des résultats différents. Tant que les prix se situent dans cet intervalle cela me parait logique. D’un point de vue émotionnel, un pdf à 10€ face à un livre à 15€ me parait trop cher. (J’aurais tendance à bloquer sur les deux, du coup.) Je dirais que mon seuil psychologique se situerait à 8€. À vue de nez je placerais le pdf entre 6€ et 8€ (toujours par rapport au prix du livre).
Au sujet du paquet électronique+papier, ce qui me semble le plus juste c’est que l’acheteur s’acquitte sur l’ensemble d’une seule fois le cachet des auteur.e.s. Dans cette ligne, les Espagnols de Nosolorol Ediciones avaient il y a quelques années une formule ou l’achat du pdf seul permettait d’acheter le format papier plus tard à prix coutant. (Ils ont abandonné cette formule, j’en ignore les raisons.) Il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas dans l’autre sens.
Le côté « je veux monter le prix du pdf pour encourager l’achat du format papier » m’échappe totalement, et m’agace. J’ai l’impression d’être embrigadé dans une guerre qui n’est pas la mienne, ou pire, dans le mauvais camp. L’effet est encore plus fort sur les 5€ de « réserve » pour les boutiques. Elles sont pour moi des intermédiaires totalement inutiles, des parasites de la chaine du JdR. (Je n’ai jamais eu, depuis des années, que des expériences négatives avec les boutiques de ma région : aucun conseil, aucun service, aucun accueil, aucun choix. Pourtant je tente de favoriser le commerce local, dans tous les domaines.) Par contre je signe si tu me dis que tu estimes que ton travail vaut 5€ de plus.
Contre le papier, je n’ai aucune envie de payer pour nourrir les sociétés de courrier et transport. Ce sont des sociétés polluantes, qui exploitent leur personnel, qui inventent des tarifications totalement arbitraires et injustifiées (surtout à l’international). Je ne suis pas sûr qu’au niveau des impressions Lulu, The One Bookshelf ou Amazon soient bien plus recommandables ; ni les filières de production du papier ou de l’encre… Je n’ai pas encore vu d’option fairtrade / local / culture bio / culture soutenable / biodégradable chez aucun d’entre eux. (Non, le format électronique ne balaye pas ces problèmes. Pas du tout. Mais les appareils et infrastructures nécessaires sont utiles pour d’autres usages, les effets néfastes sont donc dilués.) Parles-moi d’une production avec une certaine qualité physique et qui intègre une partie de ces préoccupations et je veux bien reparler du papier.
En résumé, idéologiquement et pratiquement : donnez-moi des formats électroniques. Ne me parlez pas de papier si c’est seulement la solution par défaut, mais bien s’il apporte une réelle plus-value qui peut compenser les nombreux avantages du dématérialisé. En ce qui concerne le prix, ce n’est pas le pdf qu’il faut calculer par rapport au papier, mais le contraire : gagner la même chose, en valeur ou en proportion, et tenir compte des couts supérieurs.
J’espère que mon opinion un peu tranchée peut être utile.
Philippe (Gherhartd)