Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Il me semble que dans cette conférence Chomsky regrette que peu de recherches soient faites justement sur ce discours intérieur par les linguistes et fait le lien entre celui-ci et sa grammaire générative. Mais je peux me planter complètement, vu que je n'ai pas les références pour décoder son discours et que tout cela reste des notions très floues pour moi. https://www.youtube.com/watch?v=05j6fAD77ok
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce point et c'est justement là que beaucoup se joue...Valentin T. a écrit : ↑14 déc. 2017 17:07les participants ont des grilles variables, et interprètent donc les énoncés produits à une table de jeu de manières variables.

(NB : je ne possède pas ton vocabulaire, j'ai donc pas tout compris et je m'exprimerais moins techniquement que toi, je m'en excuse

Le langage est imprécis, ambiguë, interprétable,... - ok
Et ce serait très difficile de faire du jeu de rôle si on se contentait de cela. On devrait faire des descriptions, commentaires, dialogues,... très complets pour se comprendre suffisamment et pour partager une narration commune.
Or le milieu rôlistique est ultra codifié, avec une culture commune (quasi obligatoire). Si je parle d'un coffre en poirier savant, beaucoup de monde ici imaginera des centaines de pieds le portant. Si je dit "Un Anneau pour les amener tous, Et dans les ténèbres ...", tout le monde complétera par "les lier". Si je parle de Cthulhu à ma grand mère, elle ne connaîtra pas. Ici tout le monde imaginera un truc monstrueux et tentaculaire... Bref on a une culture commune très typée. Donc au final nos grilles de lecture ne sont pas si différentes les unes des autres. De plus, les rôlistes sont souvent consanguins, (surtout passer la trentaine) ils jouent avec le même groupe d'amis. Bien connaître quelqu'un permet de connaître sa grille, voir de la partager, là encore.
De fait, les rôlistes sont souvent capable de se comprendre à demi mot.
Pour finir, il reste encore le cas des conventions, où on peut se retrouver à initier des néophytes (qui n'auront donc pas la "culture JdR") ou à partager une partie avec des inconnus, avec qui on n'a pas de grille commune. Là effectivement cela pose un problème, mais c'est très marginal (en terme d’occurrence).
Et quand bien même... Les ambiguïtés, imprécisions,... ne sont pas si gênantes. Elles peuvent conduire à des qui pro quo, mais c'est rare. Lorsqu'en tant que MJ je décris un personnage, je vais parfois présenter une illustration. Par exemple pour un personnage secondaire qui ne reviendra pas dans la narration. Je veux que rapidement mes joueurs le cernent (à tord ou à raison). Je veux rapidement créer une image dans leur tête, Avec le langage il me faudrait trop de temps, là je me sert de l'image pour contourner le problème.
Mais parfois volontairement je ne décris que partiellement le personnage pour que chacun y applique son interprétation. Typiquement pour les personnages "beaux". "Un homme de bel apparence, bien fait de sa personne, qui arbore un sourire discret". Chacun colle son image. Si je dis : "Un grand blond aux yeux bleus, musclé,...". Tout ce qui ont un minimum de goût le rejetterons

En y réfléchissant, les rares fois ou j'ai assisté (MJ ou PJ) à une incompréhension qui mène à une "fracture" dans la narration, ce n'était pas du à une imprécision de langage, mais clairement à une imprécision du MJ ! (il n'avait rien précisé du tout ou c'était trompé). Même si le langage est un outils imprécis, ambiguë,... le MJ/PJ l'est souvent bien plus. Donc le point faible de la narration ne me semble pas être le langage.
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Je reviens là-dessus, j'ai oublié de te répondre.kiraen a écrit : ↑18 déc. 2017 20:54Il me semble que dans cette conférence Chomsky regrette que peu de recherches soient faites justement sur ce discours intérieur par les linguistes et fait le lien entre celui-ci et sa grammaire générative. Mais je peux me planter complètement, vu que je n'ai pas les références pour décoder son discours et que tout cela reste des notions très floues pour moi. https://www.youtube.com/watch?v=05j6fAD77ok
Chomsky fait partie des linguistes qui étudient le I-language, ou langage interne, c'est à dire les représentations cognitives propres à chaque individu. C'est effectivement une possibilité, mais de mon côté je fais partie de ceux qui se concentrent sur le E-language, ou langage externe, c'est à dire l'ensemble des énoncés tels qu'ils sont produits en pratique au sein d'un corpus.
La première approche permet plutôt de répondre à la question "Comment s'articulent le langage et la cognition?", tandis que la seconde permet plutôt de répondre à la question "Comment s'organisent les pratiques langagières?". C'est la deuxième question qui m'intéresse, d'où mon choix méthodologique.
Pas de soucis, tant qu'on se comprend c'est le principal ! C'est aussi moi qui ne possède pas ton vocabulaire à toi.
Oui je suis pleinement d'accord avec toi, ces codes partagés permettent de s'accorder plus facilement sur une grille interprétative commune.
Effectivement, je suis bien d'accord avec toi. En jeu de rôle dans la grande majorité du temps, on arrive à se comprendre sans trop de soucis. Et les moments où l'on ne se comprend pas, où il y a un quiproquo, sont en réalité des cas limites qui ne sont pas ceux qui m'intéressent en premier lieu.
J'essaye justement de découvrir par quel moyen on arrive à aussi bien se comprendre. Ma thèse est qu'il existe plusieurs manières d'organiser la discussion, et que ces différentes manières d'organiser la discussion délimitent différentes manières de jouer au jeu de rôle.
- Il est possible de donner à chacun l'opportunité de dire ce qu'il souhaite, tout en soumettant potentiellement chaque énoncé aux autres participants. C'est par exemple le cas dans Happy Together. Cette manière de jouer permet d'éviter les quiproquos, et délimite un gameplay qui nécessite la coopération et de la bienveillance entre les participants.
- Il est possible de donner à un joueur l'opportunité de dire ce qu'il souhaite, tout en permettant à un autre joueur de demander une contrepartie à tout moment. C'est par exemple le cas dans Polaris. Cette manière de jouer permet d'éviter les quiproquos, et délimite un gameplay où les deux participants doivent se projeter dans ce qui est vraiment important pour le joueur.
- Il est possible de donner à un participant (le meneur) l'opportunité d'avoir le dernier mot sur tout ce qui ne concerne pas directement les personnages des autres participants (les joueurs). C'est par exemple le cas dans Dragon de Poche. Cette manière de jouer permet d'éviter les quiproquos, et délimite un gameplay où les joueurs sont dans un rapport de confrontation avec le meneur.
Ces différents exemples me permettent de clarifier que :
1 - la manière d'organiser la discussion trouve sa source dans le fait d'éviter les problèmes d'interprétation.
2 - cette contrainte structure le gameplay qui régit les interactions linguistiques à la table de jeu.
Du coup, j'aurais tendance à penser que la manière d'organiser la discussion pourrait faire l'objet d'une réflexion de game design assez féconde, puisqu'elle délimite l'un des principaux gameplay du jeu de rôle.
Je te remercie en tout cas fredch pour ton message. J'espère avoir clarifié mon propos, n'hésite surtout pas à continuer si je ne suis pas clair, si tu n'es pas convaincu, si tu as d'autres remarques !
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Je vois des parallèles intéressant entre cette analyse abstraite ci et cette analyse concrète à la fois d'un bout de règle écrite et d'un exemple de jeu de Apocalypse World ((en)).
Et pourtant elles jouent, lieu d'expression pour les femmes rôlistes. Radio-Rôliste, podcast rôliste indépendant tous les 15 du mois.
Pronoms indifférents, mais généralement genré au masculin. Plus réactif via G+, Discord (Gherhartd S.#0146), Hangouts.
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Très intéressant en effet !
Cette remarque résume bien mon propos, et j'élargis ce constat à l'ensemble des jeux de rôles au delà d'Apocalypse World en particulier.relationship between players and the way the game structures communication and assent are critical features in the way Apocalypse World functions at the table.
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Spoiler :
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Je retourne dans tout les sens ce que tu proposes, mais je ne comprends pas l'idée je suis désolé. Dans les termes de l'article auquel je fais référence, l'humour méta ou les règles ne sont pas restreints à seulement deux éléments du schéma, mais articulent au moins Signifiant, Signifié et Concept.Arca a écrit : Je trouve qu'il manque des choses dans le schéma, à savoir :
* les liens entre Signifié et Référent d'une part, et Signifiant et Concept d'autre part : c'est ici que ce situerait pour moi le méta et les règles (et l'humour méta).
J'ai la sensation au contraire que je travaille cette question tout particulièrement. Des cultures différentes délimitent des grilles interprétatives différentes, et interprètent donc les signes différemment.Arca a écrit : * l'impact culturel qui n'est pas pris en compte. Un asiatique parle d'un dragon en ne relie pas de la même manière qu'un européen, ou un africain, le signe et le concept. Ce qui est source de quiproquos (et le quiproquo me semblait être une voie très explorée ici (le fameux "attends, il avait un chapeau, lui ? mais ça change tout ?")
Merci pour ce commentaire bienveillant. Effectivement c'est plus une réflexion très théorique que quelque chose d'utilisable directement en pratique.Arca a écrit : on apprend peu de choses utilisable en partie en définitive mais ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est d'avoir formalisé des impressions et des non-dits pour aller vers l'idée d'exploration des "gameplay linguistiques", qui est très intéressant au niveau gamedesign.
Oui tout à fait. Je t'invite également à noter que je ne parle pas uniquement de répartition d'autorité, mais également des règles elles-même qui régissent la production des énoncés des joueurs.Arca a écrit : On notera qu'une bonne partie des jeux dits "originaux" ont tendance à construire des modèles qui ne s’appuient pas sur les modèles à autorité centralisée et maintenant presque, en réseau (parce que l'autorité partagée du jdr postmoderne est plus ou moins un modèle digéré aujourd'hui).
Intéressant comme réflexion ! Par contre, je pense qu'il pourrait y avoir des différences d'impression référentielles pour des propositions S particulières (par exemple dans Dragonfly Motel, ou Prosopopée).Arca a écrit : ça met un peu à mal le GNS
Ce qui est référent dans les attentes G et S sont plus ou moins centraux (en gros, il ne peut y avoir plusieurs réalités fictionnelles, pour les attentes S, et il ne peut y avoir plusieurs résultats du dé pour les attentes G). Par contre pour les attentes N, il peu y avoir plusieurs interprétations au texte.
Cela implique que le Big Model est une couche qui n'est pas forcément applicable ici, puisqu'il contraint le gameplay linguistique en le tirant vers le postmodernisme ou vers le tradi selon l'orientation de la table.
Néanmoins, je ne crois pas que le Big Model soit non-applicable ici, puisque ce sont deux couches relativement indépendantes ?
Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Parfois, un joueur entends un bruit de porte "irl" et indique "effectivement, ce donjon est hanté". C'est de ça dont je parlais ici : il y a des liens justement, mais ils sont "méta".Valentin T. a écrit : ↑01 févr. 2018 10:54Je retourne dans tout les sens ce que tu proposes, mais je ne comprends pas l'idée je suis désolé. Dans les termes de l'article auquel je fais référence, l'humour méta ou les règles ne sont pas restreints à seulement deux éléments du schéma, mais articulent au moins Signifiant, Signifié et Concept.Arca a écrit : Je trouve qu'il manque des choses dans le schéma, à savoir :
* les liens entre Signifié et Référent d'une part, et Signifiant et Concept d'autre part : c'est ici que ce situerait pour moi le méta et les règles (et l'humour méta).
Oui, mais ce que je veux dire, c'est que ce modèle fonctionne avec le postulat "les joueurs doivent expliquer leurs points de vues".Valentin T. a écrit : ↑01 févr. 2018 10:54J'ai la sensation au contraire que je travaille cette question tout particulièrement. Des cultures différentes délimitent des grilles interprétatives différentes, et interprètent donc les signes différemment.Arca a écrit : * l'impact culturel qui n'est pas pris en compte. Un asiatique parle d'un dragon en ne relie pas de la même manière qu'un européen, ou un africain, le signe et le concept. Ce qui est source de quiproquos (et le quiproquo me semblait être une voie très explorée ici (le fameux "attends, il avait un chapeau, lui ? mais ça change tout ?")
C'est ce qui est résolu (avec prise d'autorité par l'organisant) par le contrat social.
Ainsi, on sait qu'en jouant à Donjon dans tel univers (ce qui fait parti du contrat social "implicite" pour moi), les dragons sont d'inspiration asiatique.
Le contrat social me semble être un pré-requis pour toute partie de jeu de rôles fonctionelle. Ceci dit, en t'écoutant, j'ai l'impression qu'il y a des mécaniques derrière et qu'en les décortiquant correctement, il y a de la recherche de "gameplay" à trouver là dedans. Le contrat social ne me semble plus être le socle de base "obligatoire" si les problèmes sont identifiés et résolus par la production de texte elle-même.
C'est ce que j'ai vu, oui.Valentin T. a écrit : ↑01 févr. 2018 10:54Oui tout à fait. Je t'invite également à noter que je ne parle pas uniquement de répartition d'autorité, mais également des règles elles-même qui régissent la production des énoncés des joueurs.Arca a écrit : On notera qu'une bonne partie des jeux dits "originaux" ont tendance à construire des modèles qui ne s’appuient pas sur les modèles à autorité centralisée et maintenant presque, en réseau (parce que l'autorité partagée du jdr postmoderne est plus ou moins un modèle digéré aujourd'hui).
J'y vois des similarités avec les réseaux informatiques et la façon dont peut s'organiser internet (déformation pro

C'est intéressant, je vais me renseigner sur ces deux jeux car j'ai du mal à comprendre le concept.Valentin T. a écrit : ↑01 févr. 2018 10:54Intéressant comme réflexion ! Par contre, je pense qu'il pourrait y avoir des différences d'impression référentielles pour des propositions S particulières (par exemple dans Dragonfly Motel, ou Prosopopée).Arca a écrit : ça met un peu à mal le GNS
Ce qui est référent dans les attentes G et S sont plus ou moins centraux (en gros, il ne peut y avoir plusieurs réalités fictionnelles, pour les attentes S, et il ne peut y avoir plusieurs résultats du dé pour les attentes G). Par contre pour les attentes N, il peu y avoir plusieurs interprétations au texte.
Cela implique que le Big Model est une couche qui n'est pas forcément applicable ici, puisqu'il contraint le gameplay linguistique en le tirant vers le postmodernisme ou vers le tradi selon l'orientation de la table.
Néanmoins, je ne crois pas que le Big Model soit non-applicable ici, puisque ce sont deux couches relativement indépendantes ?
Pour moi, le big model ne décrit qu'une production donné d'un texte. "Un tirage".
En s'attachant à décrire la production du texte lui-même, il me semble que les couches ne sont pas si indépendantes que ça. La tienne, du big model, oui, mais le big model de la tienne, non.
Donc je ne suis pas loin des gens qui se grattaient la tête dans le podcast en indiquant "tient, mais on dirait que c'est en dessous du big model, ça ?".
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
Ah je comprends mieux ! C'est très bien vu, j'en parle pas dans le podcast mais c'est la même chose pour une partie du langage poétique : les rimes et la musicalité des poèmes peuvent être porteurs de sens en eux-même. Et c'est pareil pour un claquement de porte effectivement, il manque au moins une flèche au schéma pour être plus complet.
Je ne suis encore très au clair avec la notion de contrat social, j'ai la sensation qu'il y a plusieurs sens assez différents. Mais je me reconnais dans ce que tu dis en tout cas.Arca a écrit : ↑05 févr. 2018 12:37Le contrat social me semble être un pré-requis pour toute partie de jeu de rôles fonctionelle. Ceci dit, en t'écoutant, j'ai l'impression qu'il y a des mécaniques derrière et qu'en les décortiquant correctement, il y a de la recherche de "gameplay" à trouver là dedans. Le contrat social ne me semble plus être le socle de base "obligatoire" si les problèmes sont identifiés et résolus par la production de texte elle-même.
A dire vrai, je crois effectivement qu'il y aurait une articulation à faire entre les deux. J'y travaille, moi aussi je me gratte la tête à ce sujet ^^Arca a écrit : ↑05 févr. 2018 12:37En s'attachant à décrire la production du texte lui-même, il me semble que les couches ne sont pas si indépendantes que ça. La tienne, du big model, oui, mais le big model de la tienne, non.
Donc je ne suis pas loin des gens qui se grattaient la tête dans le podcast en indiquant "tient, mais on dirait que c'est en dessous du big model, ça ?".
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Re: Interprétation des énoncés et gameplay linguistique
A lire, Le contrat social vs le contrat de table, par Gregory Pogorzelski, qui distingue la part d'implicite et d'explicite qu'il y a dans ce qu'on appelle aujourd'hui le contrat social.Valentin T. a écrit : ↑05 févr. 2018 13:18Je ne suis encore très au clair avec la notion de contrat social, j'ai la sensation qu'il y a plusieurs sens assez différents. Mais je me reconnais dans ce que tu dis en tout cas.