- Kco Quidam, la Petite Interview
La Petite Interview de Kco Quidam a eu lieu sur le stand virtuel des Courants Alternatifs à la 2eCyberConv le dimanche 29 novembre 2020.
Eugénie : Hello à tous et à toutes, on va commencer la petite interview n°3 avec Kco Quidam. Je vous propose de me laisser dérouler quelques questions générales dans un premier temps, pour que tout le monde puisse découvrir ses jeux ; et puis je vous donne la parole ensuite pour que vous lui posiez vos questions directement. Les plus naïves sont les bienvenues, les plus spécialisées hardcore aussi !
Hello Kco, est-ce que tu pourrais te présenter pour les personnes qui ne te connaîtraient pas ?
KcoQuidam : Hello, alors pour ma part c’est donc KcoQuidam (prononcez comme vous voulez). Je suis autrice en amateure de jeu de rôle qui traine sur la scène indépendante en alternance depuis un bon moment. Actuellement je volète surtout un peu du côté des courants alternatifs. Mais je suis souvent plus connue pour poster des sujet de jdr très très random sur les réseaux sociaux.
Eugénie : Oui ! je m’attendais tellement à ce que tu répondes avec un gif 🙂 Est-ce que tu pourrais nous parler de ton parcours rôliste ?
KcoQuidam : Yep. Globalement j’ai très originellement commencé le jdr par forum à l’époque du lycée avant de pouvoir découvrir les parties sur table et en présentiel entre deux cours séchés à la faculté. Du coup mes premiers contacts avec le jdr on toujours été massivement du fait maison ou bidouillé rapidement. Puis en association.
J’ai participé ensuite pendant un temps sur les échanges du forum silentdrift qui ont été mon premier contact avec globalement l’univers alternatif du jdr. Puis ensuite sur les ateliers imaginaires quand j’ai « publié » mon premier jeu. Je continue (moins actuellement fatalement) le jeu de rôle en association même si en changeant de ville j’ai changé souvent d’association, mon actuelle est l’Antre du jeu, une association très locale de Lille. Et depuis le début de cette année, pour multiples raisons très connues, j’ai beaucoup beaucoup regardé les différentes manières de jouer en ligne (via discord, roll20, miro, etc.)
Eugénie : (oh super chouette, je savais pas tout ça)
KcoQuidam : (j’essaie de donner plus d’info qu’à mon habitude X) )
Eugénie : Tu as publié des jeux que tu a mis à jour depuis, donc je ne saurais pas forcément dire quel était ton premier ?
KcoQuidam : Pour le coup le premier publié était Yokai. Un jeu où dans un village de campagne japonaise on joue des petits esprits mi-humains mi-animaux qui cherchent à aider les gens du village dans leur petits problèmes quotidiens. C’est mon premier et plus gros projet sans aucun souci vu qu’à l’époque j’étais dans une optique très générique de distribuer/vendre mes jeux. C’est dans les mises à jour par la suite que je suis passée au modèle 100% amateure. (Publié ici signifiant : mis à disposition sur internet via le site lulu.com, je n’ai jamais travaillé avec un éditeur)
Eugénie : C’est un jeu sans MJ, est-ce que tu peux nous dire rapidement comment il fonctionne ?
KcoQuidam : Yep. C’est un jeu à scène. Il tire des inspirations du côté de Bliss Stage dans le sens où chaque personne autour de la table durant la création du village va créer son Kami (son personnage-esprit) et décrire rapidement 2 habitant-e-s du village avec qui iel partagent des liens. Les habitant-e-s sont ensuite distribués aux autres personnes.
Au début de la partie, une fois le village créé et les personnages répartis quelqu’un cadre une scène simple. Typiquement « mon personnage aide le tien à faire son jardin », on joue la scène pendant laquelle il y a des dons de jetons pour quand des trucs sont cool/joli/mignon/touchant. Quand quelqu’un veut cloturer la scène la personne à côté cadre une autre scène centrée sur d’autres personnages.
Il y a une mécanique faisant qu’au fil des scènes on va poser des « mystères » sur ce qui se passe dans le village. Et quand quelqu’un le désire iel peut décider que son personnage tente d’élucider un mystère en utilisant les jetons échangés (c’est ici fortement inspiré par Prosopopée).
L’idée est de jouer une, deux, trois ou quatre séances au total avec le même village, avec des ellipses entre chaque, et de laisser les choses, calmement et lentement évoluer.
(Les inspirations hors jdr sont entre autre Mon voisin Totoro. Mais en vrai et surtout la série d’animation Natsume Yuujinchou que je conseille énormément)
Eugénie : Ah super ! J’allais poser la questions des inspis ! Tu as publié aussi Onanirisme (publié au sens « mis à disposition je crois) est-ce que tu peux nous en parler ?
KcoQuidam : Alors oui. Onanirisme est un peu particulier dans le sens où c’est un jdr qui parle, explicitement, de masturbation.
L’idée initiale était d’écrire un jeu à jouer en solo (Ici dans le sens : totalement seul-e sans MJ, juste soi et le jeu) et de voir s’il était possible de développer quelque chose de 1) intéressant 2) qui ne soit pas malaisant (j’accepte sans soucis le gênant/étrange/maladroit, vu le sujet c’est normal) avec ce sujet très spécifique comme focus.
Il y a eu deux versions mises à disposition du jeu depuis mon blog. La première version qui était plus une manière de mettre l’idée sur le tapis et de voir si des choses réagissaient. La seconde, qui est celle actuellement disponible qui profite d’avoir appris des maladresses de la première à tous les points de vue (lourdeurs mécaniques et maladresse de mise en forme). Actuellement c’est une proposition de jeu solitaire avec plusieurs propositions : jouer un seul personnage dans une situation intime, jouer plusieurs personnages dans une situation intime. Et une idée jamais testée pour jouer à deux éventuellement, avec de très très grandes pincettes.
Eugénie : Waouh ! J’aurais encore des questions, mais si le public veut intervenir pour poser directement les siennes, c’est possible
Public : J’ai une question. Au vu des propositions assez singulières que tu apportes, je me demande quel genre de jeux tu n’as pas finis. Est-ce que tu pourrais nous présenter un jeu que tu aurais commencé à rédiger sans le terminer, et éventuellement ce qui t’a bloqué dans ton processus entre son état actuel et sa finalisation?
KcoQuidam : J’ai des tonneaux assez complets de projets jamais publiés. La première raison est qu’il y a beaucoup de jeux que je développe avec comme seul objectif d’y jouer à ma table en vérité. Au final même avant le milieu du jdr alternatif je viens d’une énorme culture du jdr « maison » où le principe n’est pas vraiment de produire un livre à partager ensuite.
Après il y a aussi des projets qui sont je pense publiables mais où le « blocage » est surtout lié à la notion de « Est-ce que c’est vraiment utile de passer du temps à mettre en forme ceci ? Est-ce pertinent de vouloir partager cette idée au delà de mon groupe de jeu habituel ».
Dans les projets de longue date qui reviennent souvent sur ces points : Chères Ombres un jeu inspiré du jeu vidéo To The Moon où l’on joue des personnes qui vont entrer dans la psychée d’un-e pnj pour comprendre ce qui va mal dans sa vie et l’aider. Le projet est surtout basé sur des rituels (allumer une bougie, passer une musique spécifique) mais n’a jamais été publié car c’est aussi un jeu avec une énorme approche : la personne qui anime apporte 90% du setting, les pjs sont en vrai totalement non centraux.
J’ai aussi un jeu-commande qui m’avait été demandé par une personne proche dans le but de faire du René le jeu de rôle romantique mais « sérieusement », donc un jeu tragique fait pour jouer la déchéance des personnages piégé-e-s entre leurs vices et leur vertus et qui ne peuvent en définitive jamais résoudre leur drame. Le jeu tourne ok. Problème : je déteste ce jeu X)
Autre Public : Moi je me demande dans quelle mesure un jeu comme Onanirisme, mais plus généralement toute ta production rôliste, est pensée pour faire passer un message sur ce qu’il est possible ou non de faire ? Onanirisme, ça me rappelle Romance érotique qui était évoqué sur le live l’autre jour, il y a un côté iconoclaste, « on peut faire ça aussi en JDR ». Est-ce que tu as un message d’ouverture, d’élargissement des pratiques rôlistes ? ou tu es plutôt dans une démarche personnelle et intime, de faire avant tout des jeux pour toi ?
KcoQuidam : En vrai je ne saurais pas trop répondre à la question. Je pense qu’il y a un peu des deux en définitive. Mes projets démarrent toujours avec une envie très personnelle, sans vraiment même savoir si un jour je « mettrai au propre » pour le publier. Par contre une fois le jeu qui « tourne » au moins pour moi et mes habitudes, et que la question se pose effectivement de « Pourquoi je publierais ceci ? », si la réponse est « en fait y’a peu de jeux qui explorent ce sujet/thématique/mécanique ça serait cool de lancer l’idée à la mer du paysage rolistique » c’est un argument de poids dans ma décision.
Autre Autre Public : Et qu’est-ce qui fait que tu n’aimes pas ton jeu à la René le jeu de rôle romantique version sérieuse ? Le thème, la manière dont il se joue, ce qu’il produit ?
KcoQuidam : Ce qu’il produit. Sans la moindre hésitation. Le principe du jeu est vraiment basique et absolument pas subtil : on crée des personnage avec des vices, des vertus et des problèmes. On gagne des dés en jouant les vices et les vertus et il faut avoir les deux pour jeter les dés pour tenter de résoudre les problèmes. Mais le système est, absolument pas secrètement, injuste car au mieux le résultat d’une action est « tu réussis, la personne à ta gauche raconte comment … mais tu te crées un nouveau problème, la personne à ta droite raconte comment ». Le seul moyen d’avoir un contrôle narratif du résultat de ses actions est de faire une action violente/désespérée/impulsive en fin de partie. Ce qui indique la fin de la partie pour tout le monde. C’est donc très pas subtilement un jeu où les mécanismes dépossèdent de tout contrôle et ne l’offre qu’une seule fois, à la fin, si l’on fait agir nos personnages de manière profondément malaisant (mais qui va avec le code de la tragédie).
Et en vrai, j’ai beau avoir créé ce « piège » je tombe systématiquement dedans et je finis mes parties en me disant « en vrai suis-je une horrible personne au fond de mon âme pour avoir amené l’histoire dans cette direction ? »
Public : Sur twitter, tu montres ton côté très prompt à l’analyse poussée, et un certain énervement quand on te reproche de trop réfléchir aux enjeux d’une œuvre. Es-tu déjà tombée sur quelqu’un qui réfléchit trop à ton taf? Qui part trop loin sur le sens de ce que tu amènes avec tes jeux?
Eugénie : (du coup je vais remballer ma question suivante sur le décorticage des dispositifs de Yokai et Onanirisme, hum)
KcoQuidam : Ahah non pas de soucis X)
Public : (Non, non, je t’y encourage!)
KcoQuidam : Jusqu’à présent non. En vrai je ne fais pas non plus une énorme promotion de mes créations donc je n’ai jamais eu personne qui ait décortiqué en très très gros détail mes jeux. Au plus je pense que parfois des gens sont venus me parler pour me dire qu’iel avait vu des choses dans certains de mes jeux qui n’y étaient -absolument pas- en tout cas de mon intention. Mais c’est vraiment quelque chose qui me dérange pas, si quelqu’un voit plus de trucs dans mes créations que ce que je n’ai voulu y mettre : cool. Et je dirai même plus : faites en un truc de votre côté aussi, c’est littéralement pour ça que je mets à disposition.
Eugénie : De mon côté je trouve super intéressant que tu crées un jeu où non seulement on sort de la dynamique MJ/PJ mais en plus les joueuses ont plusieurs personnages (un kami et un humain)… et de l’autre côté tu fais un jeu solo, qui n’est pas la forme la plus courante de JDR non plus…
sur les CA, Lilas avait évoqué une similitude entre les relations normées/queer et le JDR : dans un modèle MJ/PJ on est dans une relation asymétrique où on sait exactement qui est actif et qui est passif ; on a aussi un PJ à soi comme dans une relation monogame exclusive… et autour il y a tous les jeux qui viennent péter ça, qui pourraient être assimilés à des jeux queer, même si la culture queer n’en est pas le sujet. Dd’où ma question, est-ce que dans cette lecture-là, tu considérerais que tu fais des jeux queer ? ou c’est partir un peu loin ?
KcoQuidam : C’est une énorme question. Je connais le concept de « queer gaming » principalement par les messages/écrits de Avery Alder qui est une autrice qui en parle assez souvent sur les réseaux sociaux de twitter. Et c’est réellement un sujet extrêmement intéressant dans la manière qu’il propose d’analyser et décortiquer la manière dont les jeux sont conçus aussi.
Mais en vrai, je ne pense pas que je dirais que les jeux que je fais sont fatalement « queer » (enfin, sans doute un minimum / par mégarde je dirais), le fait est que ce que je publie et ce dont je parle est souvent ce qui apporte le plus de « déconstruction » de schéma classiques. Mais au final dans ce que je fais jouer, et ce à quoi je joue le plus (les fameux « jeux maison que je ne publierai pas »), en vrai il y a du medfant d’exploration avec mj qui rebondit sur les actions libres, du super-héros d’enquête avec position de mj comme personne qui prépare une situation à explorer/découvrir. En vrai la majorité de ma pratique est assez … traditionnelle ? Je suppose.
Après peut être en vrai que la réponse est juste « oui » parce que c’est avant tout un syndrome de l’imposteur « non mais une fois j’ai fait jouer une campagne du commerce » qui parle. (j’espère que vous aimez pas trop trop les réponses claires et simples)
Public encore différent : (Moi je trouve ça super intéressant ! )
Eugénie : En tout cas tu donnes de très chouettes clés pour une interrogation que j’avais : en te suivant sur twitter, j’avais le sentiment que tu jouais plutôt des trucs tradi-chouettes, et en revanche tu proposes des jeux hyper étonnants et en dehors des codes…
Est-ce que c’est le bon moment pour te demander quels sont tes projets ?
KcoQuidam : C’est pas un plus mauvais moment qu’un autre. Formellement je n’ai aucune idée de quel sont mes « projets » en cours, si projets signifie « les prochains jeux que je risque de publier ». Au vu de ma manière de faire.
Par contre actuellement je peut dire que je travaille sur un jeu-projet récurent-obsession saisonnière qui devrait se nommer « Vos souvenirs de Myriade », qui est une reprise de certains éléments du jeu Sens : Néant. Avec à peu près tout qui passe à la trappe. Qui propose de jouer dans un monde où tout est un être vivant et où il est possible de parler avec tout, des êtres qui font un voyage mystique afin de retrouver un sens à leur existence.
C’est un projet que j’ai bidouillé à peu près 12.000 fois, sans réussir à arriver à quelque chose, la tentative actuelle est de passer par la plateforme tales (présentée par d’autres gens ici sur la convention) pour voir s’il est possible de profiter des possibilités ouvertes. Soyons honnête c’est pas sûr que le jeu soit adapté pour la plateforme, donc c’est plus une tentative de tester la plateforme, et une tentative d’avancer sur ce projet.
Eugénie : alors j’envoie ma dernière question, mais on peut continuer à discuter de tout ça ensemble sur le stand après. Est-ce que tu peux citer une ressource qui t’intéresserait particulièrement si tu devais jouer un voyage ? (un jeu, une mécanique, une inspi hors JDR, un lieu où tu voudrais jouer ça…)
KcoQuidam : Je suis extrêmement, extrêmement fan du concept de « rencontre aléatoire », et aussi du fait de dessiner une carte au fur et à mesure d’un voyage en jdr.
« rencontre aléatoire » ici dans son sens le plus total : pas un truc prévu, ni dont l’interaction avec soit déjà pré-pensé (de type « 3 tigres qui ont 25 pv et 2 attaque par tour » ou même « un marchand qui possède un artefact à voler avec pour le manipuler tel truc à faire »). Par exemple je suis extrêmement fan des cartes de rencontres du jeu Oltrée qui propose juste des choses de l’ordre « Un arbre en pierre », « Un marchand perdu », « Des bruits de chaînes », etc qu’on tire en avançant sur le chemin. Le fait de n’avoir aucune idée de ce qui va se passer et de devoir inventer/découvrir « qu’est-ce que ceci est ? pourquoi c’est ici ? etc. » est vraiment cool.
La carte est juste car c’est un très élégant outil qui permet de garder trace du « chemin parcouru » qui est une thématique que je trouve très centrale dans le voyage.
Eugénie : Super chouette… ça m’évoque le mur de feuilles de personnages déchirées qu’on apercevait derrière kF à la TR sur la poésie… comme carte d’un certain chemin parcouru. Je vais clore cette interview ici avec un énorme merci à toi pour tes réponses et au public pour leur très chouettes questions <3
Public : Merci Quidam \o/
KcoQuidam : Thank tout le monde !
- Simon Li, la Petite Interview
La Petite Interview de Simon Li a eu lieu sur le stand virtuel des Courants Alternatifs à la 2eCyberConv le samedi 28 novembre 2020.
Eugénie : OK ! Alors hello à tous et à toutes, on va commencer la petite interview n°2 avec Simon Li, pour AngeldustJDR. Je propose de dérouler quelques questions générales dans un premier temps, pour que tout le monde puisse découvrir les jeux de Simon et Manon ; et puis je vous donne la parole ensuite pour que vous lui posiez vos questions directement. Les plus naïves sont les bienvenues, les plus spécialisées hardcore aussi !
Hello Simon, est-ce que tu pourrais te présenter pour les personnes qui ne te connaîtraient pas ?
Simon : Coucou ! Et bien, moi c’est Simon, la trentaine, et je suis l’un des deux cerveaux derrière Angeldust JDR. On fait du JDR alternatif, comme vous vous en doutez ^^ Esthétique, souvent moral.
Eugénie : Est-ce que tu pourrais nous parler de ton parcours rôliste ?
Simon : J’ai commencé avec du tradi, et oh combien classique : D&D ^^ Puis, en découvrant petit à petit les JDR en vogue (Ars Magica, Warhammer, Vampire), j’ai voulu, avec Manon, écrire nos propres jeux : on bidouillait dans notre coin les jeux qui ne nous plaisaient pas. Au bout d’un moment, je suis tombé sur Silent Drift, LE forum francophone de création alternative. Et boum, je suis tombé dans marmite ! 🙂 Et puis, voilà, on suit le mouvement depuis ^^
Eugénie : Et du coup, Terres de sang c’est votre premier jeu avec Manon ?
Simon : Oui tout à fait ! Premier jeu qui nous a lancé dans le bain…
Eugénie : Est-ce que tu peux nous en parler rapidement ?
Simon : Du coup, c’est un jeu centré autour de l’exploration, à la fois d’un Continent inconnu et de soi-même. C’est un jeu sans MJ dans lequel on va jouer des explorateurs qui ont une certaine vision du monde. Au fur et à mesure de notre voyage, on va questionner cette vision dans des épreuves ou des dilemmes moraux.
Parmi les inspi, il y a Aguirre, la colère de Dieu de Herzog et The Fountain de Aronofsky…
Eugénie : C’est un jeu sans MJ, tu peux nous expliquer rapidement comment ça se passe en terme de règles ?
Simon : Alors, chaque joueur contrôle un explorateur. Le jeu fonctionne par scène, et dans chaque scène, le focus va être mis sur un personnage en particulier. Les autres joueurs cadrent la scène pour le personnage en question et on va explorer et questionner les croyances du personnage. Lorsqu’on sent une accroche pour proposer une épreuve morale pour un personnage, on peut demander de faire une scène spécifique pour justement lui proposer le dilemme.
Ca c’est une carte qu’on suit pour savoir où en est le personnage et quelle genre de scène on peut faire…
Eugénie : Top !
Simon : Après la scène de Conflit, le personnage peut décider de remettre en cause sa vision du monde ou pas… voilà voilà ^^
Eugénie : Super chouette ! Ensuite il y a Damnés, que vous décrivez comme votre lecture à vous de Vampire, mais centré sur les personnages ? (si je dis pas de bêtises ?)
Simon : oui tout à fait ^^ c’est un peu en mode « Si vous jouez à Vampire avec nous, ça ressemblera à ça » 🙂
Eugénie : Ce matin, Manon se disait « team drama » sur la Table Ronde autour des relations… Le drame, l’intériorité, les relations, les sentiments des persos, ça commence à ressembler à une marque de fabrique pour vos jeux ?
Simon : Ouais carrément ^^ C’est un peu le fil rouge de nos créations, même si en vrai nous n’avons pas de « ligne éditoriale » fixe : on propose simplement ce qu’on aime… Et du coup, au delà d’aimer le drama, ce qu’on aime par dessus tout, je crois, c’est le fait de ressentir des émotions fortes via les perso qu’on joue, l’exploration de relations personnelles et l’introspection. Ça se voit dans les jeux qu’on écrit je pense.
Eugénie : Oui, il y a une très belle règle dans Damnés, c’est la possibilité à n’importe quel moment de demander à un autre personnage « Que ressens-tu en cet instant ? »Je trouve ça très élégant pour mettre les émotions sur la table.
Simon : Merci <3
Eugénie : D’ailleurs on est peut-être passés un peu vite au détail, est-ce que tu pourrais dire un mot du fonctionnement de Damnés ?
Simon : Du coup, dans Damnés, on joue des êtres immortels, qui ont la Bête au fond d’eux. La Bête est le reflet des Désirs les plus extrêmes. Il y a un « MJ » qui guide la partie mais le jeu est fondamentalement centré sur les personnages. A la création de ceux-ci, on définit non seulement la Bête, mais aussi tout un réseau de relations, souvent pas très saines. Puis en jeu, on tend cette toile de relations.
En terme mécanique, la plus importante, c’est la suivante: Lorsque tu sens que ta Bête commence à prendre le dessus, tu prends un Jeton. Plus tu as de Jetons, plus tu es en mesure de gagner les conflits, mais plus tu as de risque de perdre le contrôle. C’est très similaire à la Bile Noire de Libreté (de Vivien Feasson )
Eugénie : C’est rigolo, moi je trouve que la règle la plus importante ce sont les Pactes et les Tabous 🙂 On est lié par des Pactes qu’on ne peut pas briser et qui sont en même temps impossibles à tenir… ça crée des tensions de ouf !
Simon : C’est l’autre côté de la médaille ^^ Les Pactes créent les relations malsaines 🙂 Pour faire du DRAMA !
Eugénie : hahahah ! Du coup le 3e jeu dont je voulais parler avec toi c’est Les larmes du soleil… à la lumière de ce qu’on vient de dire, il apparaît comme plus apaisé, non ?
Simon : Oui ^^ Comme quoi on fait pas que des jeux de drama :p
Eugénie : Est-ce que tu peux nous en parler un peu ?
Simon : Alors, les Larmes du Soleil est un jeu sans MJ dans lequel on raconte le voyage initiatique d’une Poétesse. C’est un jeu qui se veut poétique et zen, avec une ambiance sinisante, ou asiatique si on veut. On raconte tous ensemble le voyage en tirant des cartes sur lesquelles se trouvent des symboles à interpréter. A la fin de la partie, le jeu demande d’écrire un petit poème basé sur ce qui a été joué.
Eugénie : j’ai encore jamais joué mais je suis curieuse… il tient en deux pages mais s’accompagne de cartes ?
Simon : oui ^^ c’est un jeu pour Trop Long Pas Lu à la base et il y a 52 cartes avec des symboles dessus, à télécharger en pdf ou à commander en physique.
Eugénie : (un jeu créé en live en 30min à deux personnes et sous contrainte imposée)
Simon : … en fin de convention à l’arrache 🙂 A Octogone je crois ^^ c’était une super expérience !
Eugénie : J’ai encore quelques questions sous la main mais si le public veut intervenir pour t’en poser directement, qu’il ou elle n’hésite pas !
Public : Je ne suis pas un grand connaisseur de tout ce que l’on peut mettre derrière le terme de drame, et j’ai l’impression que j’associe ce terme à quelque chose de triste. Ce matin dans la conférence où est intervenue Melville, iel disait que le drame pouvait être autre chose que la tristesse : comique, tension, colère, intérêt. Est-ce que Damnés peut aborder ces thèmes ou on est spécifiquement sur des relations pas très saines entre les personnages ?
Simon : Avec Damnés, tu peux explorer toute une gamme d’émotions je crois, car tu choisis ta Bête. Par exemple, il y a la Succube, qui veut plaire à tout le monde. Le réseau de relations pas très saine pousse au « conflit », c’est vrai, mais je crois que ce n’est que la conséquence de l’expression de la Bête de chacun. Bon, il faut avouer qu’une fois la Bête poussée à bout, ça finit rarement joyeusement…
Eugénie : J’ai une question toute simple : quels sont tes projets en cours ? (ou vos projets en cours avec Manon) mais attention, j’ai vu passer que tu playtestais Héros d’Argile avant la conv et j’ai entendu les éditions Poseidonia parler d’un collaboration avec toi hier… j’espère qu’on aura des infos sur l’un ou l’autre de ces sujets-là dans ta réponse :p
Simon : héhé ^^
Eugénie : je suis CURIOSITE
Simon : Donc oui, on a Héros d’Argile dans les cartons en ce moment. Ca devait sortir début 2021 chez Posidonia, mais avec le contexte Covid, c’est compliqué. La bonne nouvelle c’est qu’on dispose de plus de temps pour peaufiner le jeu (et c’est pas un luxe ^^) Et parmi nos autres projets, on travaille sur un Bac à Sable Narratif situé dans la Chine médiévale… Du coup, tu veux que je détaille l’un ou l’autre ?
Eugénie : LES DEUX ! (en vrai c’est comme tu veux, ça dépend aussi de où vous en êtes sur chacun des projets)
Autre Public : AH AH ! Vendu au grand capital !
Simon : Lol ^^ je plaide coupable
Autre Public : * le rideau derrière Eugénie tombe, tous les CA sont là – c’était un piège)
Eugénie : monsieur Féasson, voulez-vous retourner vérifier votre financement en cours sur Game On Tabletop svp ?
Simon : Pour Héros d’Argile, c’est un jeu dans lequel on raconte la génèse, l’ascension et peut être la chute d’un (Super) Héros. Le dispositif de jeu est très asymétrique: il y a une personne qui joue le Héros en mode PJ de JDR tradi, il y a des gens qui jouent les adjuvants (sidekicks) ainsi que les éléments positifs pour le Héros, et il y a une personne en charge de construire un Bad guy à la hauteur du Héros. C’est un jeu qui se centre sur le quotidien et les relations du Héros, saupoudré d’un peu d’action et de conflits…
Pour ce projet, on a la chance d’avoir un super illustrateur: Vianney Carvalho
Simon : On est aussi épaulé par une super assistante de communication: Alice Cochin, qui nous a fait des supers logos
Eugénie : la classe !
Autre Public : Cela dit ça m’intéresse d’entendre les raisons de ce choix : pourquoi l’édition, pourquoi Posidonia ?
Simon : On voulait tester le modèle économique du crowd funding, en étant assez hésitant à se lancer dans le grand bain tout seuls. Il y a plein d’aspect qu’on ne se sentait pas de gérer: illustrations, paliers, communication, confection du livre, etc. Posidonia nous donne le contrôle à 100% de notre jeu, ce qui reste assez dans l’esprit indé / alternatif, tout en nous garantissant une sécurité financière et un support technique. Ce n’est pas un éditeur classique dans le milieu du JDR je crois, car il ne nous dit rien de ce qu’on doit faire, du marché, de la forme du livre, etc. Lui, il s’occupe de fabriquer le produit et c’est tout. C’est exactement ce qu’il nous fallait.
Eugénie : Je lance ma toute dernière question, qui raccroche au thème de la convention : est-ce que tu peux citer une ressource qui t’intéresserait particulièrement si tu devais jouer un voyage ? (un jeu, une mécanique, une inspi hors JDR, un lieu où tu voudrais jouer ça…)
Simon : En ce qui concerne la ressource, je n’ai pas de recommandation universelle. Moi, j’adore The Fountain comme film… Donc allez voir ce film si vous voulez savoir ce qu’on entend par « explorer le monde c’est explorer soi-même »…
Eugénie : C’est la fin de cette Petite Interview, gros merci à toi pour tes réponses Simon !
Simon : Merci à toi Eugénie ! <3
- Gaël Sacré, la Petite Interview
La Petite Interview de Willox / Gaël Sacré a eu lieu sur le stand virtuel des Courants Alternatifs à la 2eCyberConv le vendredi 27 novembre 2020.
Eugénie : Hello à tous et à toutes, on va commencer la petite interview n°1 avec Willox / Gaël Sacré. Je vous propose de me laisser dérouler quelques questions générales dans un premier temps, pour que tout le monde puisse découvrir les jeux de Gaël ; et puis je vous donne la parole ensuite pour que vous lui posiez vos questions directement. Les plus naïves sont les bienvenues, les plus spécialisées hardcore aussi !
Hello, Gaël, est-ce que tu pourrais te présenter pour les personnes qui ne te connaîtraient pas ?
Willox : Yes ! Je suis Gaël Sacré alias Willox, alias aussi Maître-Bois, je suis auteur et traducteur de jeu de rôle. J’officie pas mal dans des communautés rôlistes comme les Courants Alternatifs (tiens tiens!), C’est pas du jdr (coucou Matthieu Bé !) et JdR Solitaire. Je suis aussi orga dans cette folie qu’est la CyberConv. A part ça, je suis surtout un gros geek de films, de séries, de jeux vidéos et de bouquins et puis entre tout ça j’essaie de faire des jeux ! ^^
Eugénie : Top ! est-ce que tu pourrais nous parler de ton parcours rôliste ?
Willox : J’ai toujours baigné dans la culture geek, entre mon amour pour la SF et la fantasy et le surnaturel en général, les RPG en jeux vidéos et les livres dont vous êtes le héros. J’avais tout le background du rôliste mais jamais eu l’occasion de m’y mettre à part quelques tentatives infructueuses avec des potes. C’est bien après que j’ai découvert le JdR dans des associations poitevines (de Poitiers donc). A l’époque j’étais fasciné par le jeu de rôle mais l’approche très traditionnelle qui laissait peu de place à mon propre imaginaire et à mes envies de drama m’ont lassé petit à petit…
… jusqu’à ce que je découvre la scène indé par le biais de Frédéric Sintes. Et là c’est la dégringolade dans les tréfonds obscurs de la jidérie : découverte de la Forge, de jeux comme Polaris de Ben Lehman, de Dogs in the Vineyard de Vincent Baker, les théories de Ron Edwards et j’en passe et des meilleurs. Depuis j’ai officié dans les différentes itérations des forums alternatifs francophones : Silentdrift, puis les Ateliers Imaginaires et maintenant les Courants Alternatifs. J’y ai rencontré plein de rôlistes et d’auteur-ice-s passionnants et des jeux tous plus originaux et profonds les uns que les autres <3
Ah et du coup à un moment, je me suis dit, et pourquoi pas moi ? Et j’essaie de faire des jeux tant bien que mal depuis ^^
Eugénie : Ah-ha ! on y vient… Happy c’est le premier jeu que tu as publié ?
Willox : Oui ! A l’époque déjà je m’embourbais dans des projets de jeux de rôle que je n’arrivais pas à finir, notamment Imaginarium, un jeu inspiré de Narnia et Peter Pan qui est toujours dans les cartons. Je me suis dit : un jeu de rôle ça n’a pas besoin d’être un format énorme, même pas un A5 de 50 pages comme c’était un peu la norme à l’époque des jeux indé francophones. J’avais créé ce jeu de méditation pour ma pomme et j’ai eu envie de le partager. Je l’ai fait testé à 2-3 personnes, dont une sophrologue, qui m’a fait un excellent retour, et je l’ai publié simplement en PDF et impression à la demande. Depuis, l’affluence de formats courts sur itch.io a prouvé que c’était aussi des publications tout à fait légitime en tant qu’auteur-ice.
Eugénie : C’est un jeu solo, ce qui n’est pas la forme la plus courante de JDR… est-ce que tu peux nous dire comment il fonctionne ?
Willox : Quand je l’ai créé, je ne connaissais même pas le jeu de rôle solo. J’ai juste découvert Teen Witch et Brave Sparrow d’Avery Alder, qui sont en quelque sorte des GN solitaires. J’ai trouvé ça génial de se dire qu’on pouvait jouer seul. J’ai repensé à mes errances imaginaires où je me perdais souvent dans mes pensées. Je me suis dit : et si on utilisait la force du jeu de rôle pour canaliser son imaginaire ?
Public : Teen Witch est exceptionnel, vraiment à lire. Je crois que c’est le jeu où j’ai <3 Avery, pour de vrai de vrai.
Willox : Je suis parti de l’idée des méditations guidées, en ajoutant une dimension rôliste. Au lieu de nous dire où nous sommes et ce qu’on fait, c’est nous même qui allons le décider :
- On part d’une inspiration première pour avoir un fil rouge à notre voyage imaginaire, et on choisit un lieu que l’on va explorer
- On crée un personnage ou bien on s’incarne soi-même (ou une vision fantasmée de soi-même)
- On explore le lieu que l’on a choisi, principalement en utilisant les 5 sens, on se concentre sur le moment présent, sur les sensations de son corps imaginaire dans ce lieu imaginaire
Eugénie : Classe ! Et tu a proposé Happy together peu après… à l’inverse de JDR qui prévoient éventuellement une variante pour jouer solo, toi tu prévoies une variante multijoueurs quoi… 🙂 D’ailleurs tu as sorti un cadre récemment pour Happy Together ?
Willox : Oui ! Je sentais qu’il y avait un vrai potentiel pour créer une expérience à plusieurs. Finalement le jeu a pris une tournure assez différente, mais il a gardé l’esprit originel de Happy en solitaire. Dans Happy Together, on se concentre toujours sur l’instant présent, mais le fait de le partager avec d’autres fait qu’une dimension plus douce-amer apparaît, parce qu’on va partager le temps d’une partie un moment heureux de personnages dans leur vie quotidienne. Mais comme la vie quotidienne en vrai c’est pas toujours rose, eh bien, ça ressort quand même par les fissures et ça en devient très émouvant. Si avec Happy en solo on est dans une exploration proche d’un walking simulator en jeu vidéo, avec Happy Together on est plus proche d’une expérience à la Lost in Translation de Sofia Coppola ou de Kiki la petite sorcière de Miyazaki.
Cette année, j’ai sorti un cadre, c’est à dire une proposition particulière pour jouer avec Happy Together. On y joue des IA (intelligences artificielles) et des êtres humains qui partagent du temps ensemble, dans un futur proche où on est à la frontière de la singularité (on ne fait plus trop la différence entre une IA et un humain). C’est venu d’une chouette partie où l’on s’est inspiré de Her de Spike Jonze. Je l’ai réalisé dans le cadre d’une jam (un défi de création) sur itch.io
Eugénie : super chouette ! d’ailleurs Happy Together n’a pas spécialement d’univers ou de cadre préconstruit… c’est un peu le propre de tes jeux, non ?
Willox : Oui, c’est vrai ! Je me suis fait récemment la réflexion que mes jeux ne proposait pas d’univers déjà construit, et ça n’est d’ailleurs pas évident à promouvoir. J’ai eu l’occasion d’en discuter récemment sur un podcast des Voix d’Altaride, que je vous conseille vivement (le podcast en général, pas seulement l’émission ^^).
Eugénie : Et c’est le cas aussi de Saga Héroïque Minima, que tu viens de sortir. Tu peux nous parler de Saga ?
Willox : Saga Héroïque c’est un vieux rêve de rôliste que j’ai de pouvoir faire du Star Wars à ma façon. C’est à dire en se concentrant sur ce qui m’intéresse dans ce type d’histoire : la destinée des héros et héroïnes, leurs motivations, les relations entre les personnages et puis un univers dépaysant et grandiose. Pour ça, il me fallait quelque chose de plus malléable qu’un univers canon déjà existant. En jouant à des jeux comme Lady Blackbird et Before the Spire Falls, je me suis rendu compte qu’on n’avait pas besoin de grand chose pour créer de l’aventure et du drama, et je suis parti de ces deux inspirations pour créer Saga Héroïque.
Dans un premier temps, on crée un Monde qui sera le théâtre de notre histoire, en posant les grandes bases. On peut le créer à l’avance ou bien en collaboration avec les autres joueurs et joueuses. On utilise des mots-clefs pour créer le concept de notre Monde, puis on détermine trois grands Cadres qui serviront à jouer ce Monde durant la partie : le Mythe (la magie ou la technologie mystique), la Menace (les « méchant-es-« ) et les Habitant-e-s.
Dans un deuxième temps, on utilise des Livrets qui sont des archétypes bien connus d’épopées héroïques hollywoodiennes pour créer nos PJs. C’est un peu les squelettes de personnages à la Luke, Leia et Han Solo, mais qu’on peut adapter à plein d’histoires et d’univers différents.
Enfin, on joue notre histoire en jouant chacun son tour son protagoniste héros/héroïne et les péripéties qui surviennent via le Monde et ses Cadres.
Eugénie : j’ai encore quelques questions dans ma musette mais n’hésitez pas à intervenir et en poser directement !
Public : Gaël, tu en est où dans la photo ? et ton projet de lier cette passion au JDR ?
Willox : Je dois avouer que j’ai complètement abandonné la photographie ! Ça devenait vraiment compliqué de mettre en image ce que j’avais en tête, car évidemment la photographie se fait à partir du réel. Quand on est dans le domaine de l’imaginaire, c’est très coûteux à mettre en scène ou bien il faut beaucoup manipuler l’image. Finalement, je trouve beaucoup plus de satisfaction dans la création de jeu de rôle et la photo a disparu de mon quotidien.
Eugénie : Tu fais aussi des traductions de jeux : Sexy Battle Wizzards (très fun), Before the Spire falls (très poétique), et Cozy Town (très… cozy) Comment tu t’es retrouvé à traduire ces jeux ?
Willox : J’ai passé deux années d’errances à essayer de sortir des jeux, en vain. (Enfin, surtout UN jeu qui s’appelle Coven 🙂 ) Fin 2019, grâce à la communauté C’est pas du jdr j’ai voulu aider à traduire des jeux pour qu’ils puissent être disponibles en français. En fait, l’anglophonie produit énormément de jeux, y compris dans la scène alternative. Sauf que beaucoup de ces jeux, qu’on retrouve pas mal sur le site itch.io, ont des formats courts, atypiques, ou des thèmes inhabituels ou difficiles qui ne vont pas intéresser les éditeurs. Et du coup, ces jeux sont inconnus en France et on a envie de les partager pour montrer combien ils sont cool et qu’il faut y jouer ! J’ai commencé par faire des relectures pour d’autres, et puis finalement, comme j’aime aussi faire de la mise en page, j’ai co-traduit, mis en page et édité des jeux ^^
Eugénie : Et tu as même produit du contenu en écho… c’est le cas du cadre Coz’île d’été
Willox : Exactement ! J’ai beaucoup d’admiration pour le travail de Jamila R. Nedjadi, l’auteurice, notamment de Balikbayan (qui m’a inspiré pour Saga Héroïque) et de Cozy Town. En jouant à Cozy Town, j’ai eu envie de faire ma propre version, mon hack, en m’inspirant davantage d’Animal Crossing et en ajoutant des petites choses que j’avais envie de voir dans un jeu comme ça. Contrairement à Cozy Town on peut créer son propre petit personnage et le dessiner. J’encourage aussi dans les différentes activités proposées à créer des mini aventures pour aller plus loin que simplement poser des choses chacun son tour sur la carte. Je me suis aussi beaucoup amusé avec la mise en page, en utilisant des illustrations dignes de livres pour enfant.
Eugénie : Et est-ce que tu peux nous dire un mot sur tes projets ? (même si bon, tu viens de sortir un jeu hier, c’est peut-être un peu tôt pour repartir sur d’autres trucs ? je sais pas…)
Willox : L’année 2020 a été vraiment productive pour moi, et j’ai bien envie de surfer sur cette vague pour 2021 ! Déjà, j’ai envie de faire découvrir Saga Héroïque en proposant des mini-campagnes, ce qui me donnera aussi l’occasion de continuer à travailler sur le jeu pour en sortir une version augmentée. J’ai déjà des règles pour pouvoir jouer en solitaire ou pour jouer avec MJ. J’aimerai proposer des préparations et pourquoi pas inviter d’autres à en créer.
Ensuite, j’ai toujours espoir d’arriver à sortir ce fameux Coven dont je parlais plus haut, qui est un projet qui me tient énormément à coeur mais que je n’arrive pas à concrétiser. On y joue des sorcières dans un univers victorien qui protège le monde d’esprits corrompus. Actuellement je travaille sur une version propulsée par l’apocalypse. On verra bien !
Enfin, j’ai plein d’autres projets dans les cartons, notamment sortir des articles sur le jeu de rôle solitaire, et pourquoi pas même un ou plusieurs jeux ! ^^
Eugénie : Mais on ne t’arrête plus !
Willox : On dirait que tant que je ne travaille pas sur Coven, j’arrive à avancer. C’est certainement mon oeuvre maudite 🙂
Eugénie : Ma dernière question pour cette Petite Interview, elle est dans le thème de la CyberConv : est-ce que tu peux citer une ressource qui t’intéresserait particulièrement si tu devais jouer un voyage ? (un jeu, une mécanique, une inspi hors JDR, un lieu où tu voudrais jouer ça…)
Willox : Quand je pense jeu de rôle et voyage, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est le jeu épistolaire de Morgane Reynier, Sur la route de Chrysopée. On y joue, à deux, un apprenti voyageur et son maître immobile, qui échange des lettres à propos d’un voyage mythique vers Chrysopée, une destination symbolique. L’univers est magnifique, plein de poésie, et en plus il nous invite à utiliser la réalité de notre quotidien pour l’inclure dans la fiction (c’est une forme de réalité augmentée rôliste !). Un must-have si on aime écrire et jouer le voyage.
Eugénie : oooh <3 super chouette, merci à toi Willox ! j'arrête ici le format itw, mais si vous avez des questions, des remarques, n'hésitez pas à rester papoter sur le stand !
Public : une dernière question. Un point régulièrement soulevé est la non connaissance/visibilité des alternatives aux mastodontes du jdr. Ne serait-il pas possible de créer des « compilations » (pourquoi pas thématiques) qui permettraient de rendre les voies alternatives du jdr accessibles aux boutiques et donc à un plus grand nombre de joueurs/joueuses ?
Willox : Oui, c’est certainement une idée ! Le soucis des compilations c’est que ça tendrait à faire penser que les jeux doivent absolument respecter le format des jeux plus traditionnels pour pouvoir se vendre, et mettre plein de jeux différents dans un seul ouvrage, ça me semble un peu dommage, même s’ils partagent des thématiques similaires.
Ce qu’on essaie de faire avec les Courants Alternatifs, c’est de regrouper les auteurs et auteurices pour créer un catalogue commun et ainsi tenter d’avoir autant de poids qu’un éditeur, tout en laissant chacun indépendant de ses créations. Car seul et sans moyens, c’est difficile de promouvoir un jeu, d’autant plus que beaucoup ne font ça que sur leur temps libre et ont un autre travail à côté.
Public : Certes, mais c’est un type de format qui a aidé l’industrie du disque à survivre à une époque… Donc pourquoi ne pas utiliser la méthode (en évitant toutefois de reproduire les mêmes erreurs). Merci pour cette réponse.
Eugénie : Il y a aussi des contraintes matérielles, qu’on peut évoquer… un ouvrage collectif, c’est des auteurices très, très peu payées (sur un ouvrage édité on tourne à 10% du prix pour 1 auteurice, alors diviser 10% de 25 euros entre 7-8 personnes… ça représente rien du tout)
Willox : Merci pour cette interview Eugénie ! <3
Eugénie : Merci à toi pour tes réponses !
Willox : Pour finir en auto-promo, vous pouvez retrouver mes créations et mon blog sur mon site et mes jeux récents sur ma page itch.io !
- Côme Martin, la Petite Interview
La Petite Interview de Côme a eu lieu sur le stand virtuel des Courants Alternatifs à la CyberConv, le dimanche 5 avril 2020.
Eugénie : Hello à tous et à toutes, on va commencer la petite interview n°6 avec Côme. Je vous propose de me laisser dérouler quelques questions générales dans un premier temps, pour que tout le monde puisse découvrir les multiples jeux de Côme ; et puis je vous donne la parole ensuite pour que vous lui posiez vos questions directement. Les plus naïves sont les bienvenues, les plus spécialisées hardcore aussi !
Hello, Côme, est-ce que tu pourrais te présenter pour les personnes qui ne te connaitraient pas ?
Public : Cooooooome ! Côme ! Côme ! Côme !
Côme : Alors dans la vraie vie je suis prof d’anglais au lycée ! Et sinon je suis quelqu’un qui ne tient pas en place et sautille souvent d’une idée à l’autre. Du coup, côté JdR ça veut dire que j’ai commencé par participer à Radio Rôliste avant d’en devenir animateur pendant quelques années ; que j’ai co-créé le blog Et pourtant, elles jouent ! avec une certaine Eugénie, Guylène et Cédric Ferrand ; que j’ai co-créé le site Trop long, pas lu avec un certain Melville et Julien Pouard ; que j’ai écrit pour Wastburg qui est actuellement en financement… Et deux-trois autres trucs en plus. 🙂
J’ai un peu ralenti le rythme depuis que je suis devenu papa il y a plusieurs mois, mais j’ai encore pas mal de choses qui me grattent le crâne ! (je dis ça mais j’ai écrit l’un des jeux dont on va parler aujourd’hui en 3 mois)
Eugénie : Est-ce que tu peux nous parler un peu de ton parcours rôliste ?
Côme : Rapidement oui ! J’ai commencé le JdR au collège, un peu par hasard après que des copains à mon frangin ils m’en ont causé et ça a l’air chouette. Je suis resté dans les pistes du tradi pendant trèèèèès longtemps, avec notamment une période où je bouffais du Cthulhu à tous les repas et sous toutes les formes.
Finalement j’ai déboulé dans le JdR un peu moins conventionnel, et je crois bien que c’était grâce à certaines rencontres à la librairie Charybde d’ailleurs !
Côté création ça s’est fait beaucoup plus tard, à vrai dire à part Wastburg sur lequel Cédric Ferrand m’avait très généreusement invité je n’ai rien écrit du tout avant 2017. (En fait je voulais devenir écrivain mais étant trop doué pour ce milieu j’ai décidé de devenir auteur rôliste)
Eugénie : Et du coup, en 2017, tu te lances dans ce défi de créer un jeu par mois, c’est ça ?
Côme : Voilà ! En fait tout ça c’est la faute de Melville : il m’a branché sur les jeux du sémillant Grant Howitt qui crée depuis un moment un JdR en une page tous les mois. L’idée me séduisait bien et j’ai créé un premier mini-JdR, un peu par hasard, en copiant totalement le modèle d’Howitt. Je me suis dit que si Melville y arrivait ça ne devait pas être si difficile !
Et puis comme on pouvait s’y attendre, après ce premier jeu j’ai eu une idée pour un autre jeu, puis encore un autre… Je n’avais pas du tout prévu de faire ça sur la durée mais comme ça marchait bien, j’ai continué ! Et au bout d’un an j’avais encore des idées, des trucs bizarres à tester, donc je l’ai fait une deuxième année.
Au final ça donne 32 jeux parce que j’en ai écrit un peu plus, et je les ai tous regroupés sous forme de recueil, qui est d’ailleurs gratuit pendant la durée du confinement !
Eugénie : C’est pas évident de parler de ce recueil parce qu’il fourmille d’idées et de jeux très différents… est-ce que tu pourrais en sortir trois qui dont tu es particulièrement fier et nous les présenter ?
Côme : Quoi ?! J’étais chaud pour les 32 pitches moi !! Alors du coup je vais en citer trois dont je n’ai pas encore parlé depuis vendredi.
Éternel samedi soir est un jeu où l’on incarne les fantômes d’ados morts pendant une grosse fête, coincés dans une boucle temporelle pour essayer d’éviter leur propre mort. Je l’aime beaucoup parce qu’en une page il fait bien des choses et qu’il tourne bien !
Cités affamées est aussi un de mes chouchous : il est compliqué à pitcher mais en gros c’est l’histoire de voyageurs qui visitent une cité en quête de quelque chose, et c’est l’histoire de la cité qui veut les retenir en son sein. C’est un jeu qui peut se jouer en solo ou à plusieurs, avec des rôles très modulables.
Allez, un troisième chelou : La Stèle au cœur des plaines, un jeu sans MJ inspiré d’Antoine Volodine, de Millevaux et de Stalker, pour jouer des gens qui se perdent dans des steppes hallucinées…
(roh zut j’aurais dû en choisir trois autres, je peux recommencer ?)
Public : Comment partages-tu ton travail d’écriture de jdr entre tes productions personnelles et les autres (comme Wastburg) ?
Côme : Oh ça c’est simple : en fait à part Wastburg je n’écris que pour moi ^^ Et comme les textes pour Wastburg avaient été rendus fin 2017, bah… Par contre j’écris aussi des romans et c’est pas forcément facile de trouver le temps pour tout. En gros, j’avance sur ce qui me motive le plus à un moment donné, et puis quand c’est bien avancé je change mon fusil d’épaule.
Public : Est-ce que tu playtestes les mini-jdr ?
Côme : Ah OUI ! J’y tiens beaucoup, tous les jeux ont été playtestés au moins une fois, souvent plus. Sur les 32 je crois qu’il n’y en a que 3 ou 4 que je n’ai pas testés.
Eugénie : [ note : on parle de mini-JDR parce qu’ils tiennent sur une page, mais ils produisent des parties tout à fait normales ]
Côme : Ça dépendait de l’avance que j’avais mais certains ont été playtestés de très nombreuses fois, jusqu’à arriver à une forme satisfaisante. Il y a des jeux qui ont mis un an à sortir, par exemple.
Eugénie : Ah ? lequel ?
Côme : Robonimaux a été mon deuxième jeu écrit mais est sorti en 10e ; mais le plus long je crois que ça a été Meurtre au monastère quantique, parce qu’il y avait un sacré nombre de paramètres à régler dans celui-là !
Il y a aussi un GN en bonus dans le recueil, sur lequel j’ai commencé à bosser en novembre 2017 et que je n’ai fini que l’été dernier. Il fait d’ailleurs partie des jeux non testés, hélas…
Eugénie : dans le recueil on trouve des jeux drôles, des jeux tristes, émouvants, barrés ou poétiques… et VIOLENCE / SEXE / CACA on en parle ?
Côme : Mais oui ! Mon best-seller ! C’est parti d’une mauvaise blague d’un camarade que je ne citerais pas, qui disait que les jeux de Batronoban pouvaient se résumer à 3 caracs : Violence, Sexe et Caca. J’ai donc relevé le défi d’écrire le jeu correspondant ! Au départ écrit sur des feuilles de papier toilette, je l’ai un peu remanié pour qu’il soit plus lisible.
J’aime beaucoup le fait que malgré son côté totalement défoulatoire, il commence par un avertissement sur la sécurité émotionnelle, histoire que les rôlistes troll et mascus ne puissent pas y jouer tranquillement ^^
Mais c’est vrai que c’est un peu devenu un gimmick ce jeu, c’est celui qui revient toujours sur la table ! Certes, il est objectivement bien (dans le sens « bien conçu ») mais j’ai la faiblesse de penser que ce n’est pas le seul…
Eugénie : Disons qu’il tranche au sein de la proposition des Courants Alternatifs !
Côme : C’est parce que vous n’osez pas admettre que vous aimez les jeux qui parlent de caca. Allez, vous rêves tou·te·s de participer à la jam Donjons & Cacanalisations, avouez !
Eugénie : A propos de ces fourmillements créatifs en ligne… pendant la Zine Quest, tu as lancé Green Dawn Mall, le jeu que tu fais jouer pendant la CyberConv. est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?
Côme : À force de copier/coller le slogan partout pendant le financement du jeu, je le connais par cœur : « Un jeu où l’on incarne des adolescents explorant un centre commercial infini et tordu à la recherche de leur ami·e disparu·e » !
Ce n’est pas encore sorti (le PDF est prévu pour fin avril, la version imprimée pour un peu plus tard) mais ce sera un fanzine A5 d’environ 80 pages ; un jeu complet donc avec un système de jeu tout simple et plein d’aléatoire pour que deux explorations du centre ne soient jamais les mêmes.
L’idée, c’était un peu de réconcilier mon amour des jeux avec du drama (j’adore les jeux où l’on joue des ados) et ma romance toute récente avec l’OSR.
Eugénie : Tu le présentes comme un jeu OSR, où le donjon serait un centre commercial des années 80… ?
Côme : De mon point de vue oui, même si je crois que les puristes ne seraient pas tout à fait d’accord ! Je n’y connais pas grand chose à l’OSR, à vrai dire, mais deux grosses inspirations du jeu c’est The Stygian Library d’Emmy Allen, où l’on explore une bibliothèque infinie, et Into the Odd autant pour le système que pour le côté bizarre.
Eugénie : Et Itras By ??
Côme : Et ITRAS BYYYYY bien sûr !! Mais ça c’est juste parce que c’est une ambiance qui me colle à la peau et que je ne peux humainement pas mettre un peu d’Itras By dans tout ce que j’écris !
Public : Est-ce que l’exploration est comme un donjon avec une carte ou est-ce plus narratif comme on le peut faire avec Dungeon World ?
Côme : C’est plutôt avec une carte, en tout cas moi j’en fais une quand je mène mes parties. Par exemple celle de la partie d’hier ça ressemble à ça :
(désolé pour la qualité un peu naze)
En gros les PJ commencent sur une place sur laquelle le MJ génère des magasins et des couloirs, et à partir de là ça fait un labyrinthe potentiellement infini.
Il y en a un autre exemple dans l’actual play que j’ai réalisé chez l’ami Vols de 2d6PlusCool.
Public : D’accord.
Autre Public : Merci pour sexe violence et caca, le lire est toujours un grand moment de lol pour moi. Comment tiens tu le rythme ?
Côme : C’est fini pour moi les JdR mensuels ! Je n’exclus pas de réécrire des mini-JdR plus tard, mais pas pour le moment. Et je ne sais absolument pas comment j’ai tenu le rythme pendant 2 ans. Si quelqu’un trouve, ça m’intéresse.
Public : Une question sur Green Dawn Mall : au niveau de l’ambiance du centre commercial, est-ce que les joueurs en font ce qu’ils veulent, ou tu as mis ta propre patte pour créer l’univers ?
Côme : C’est très marqué, je pense : quelque part entre de l’horrifique tordu et du bizarre en formica. Pour le coup ce sont peut-être davantage les tirages aléatoires qui modifient l’ambiance ; par contre les réactions des PJ vont beaucoup jouer, selon à quel point ils vont essayer de comprendre la logique des lieux, discuter avec les PNJ, ou au contraire essayer de la jouer safe…
Public : Avec tous les jeux que tu as écris, notamment en mensuel, comment ou a partir de quel moment tu décides qu’un jeu est fini ?
Côme : Quand la fin du mois arrive ^^
C’est une question difficile, en réalité : la réponse la plus honnête que je pourrais donner c’est « quand le jeu fait ce que je voulais qu’il fasse ». Mais ce n’est pas tout à fait exact car je peux être satisfait sur le moment et avec le recul me dire qu’il aurait mieux fallu peaufiner plus… D’ailleurs il n’est pas exclu que je reprenne et développe certains jeux courts dans un avenir plus ou moins proche.
Pour Green Dawn Mall c’est pareil, là je considère le jeu fini mais si je m’écoutais je continuerais à ajouter des trucs dessus. C’est difficile de savoir s’arrêter mais c’est également nécessaire.
Public : Est ce que tu n’as pas l’impression d’écrire des itération du même jeu ?
Côme : Pas du tout, pour le coup ; à travers les différents jeux il y a très certainement nombre de mes obsessions qui reviennent, mais ils sont tellement différents les uns des autres que je n’ai pas trop l’impression de me répéter.
Eugénie : Il y a du avec MJ, du sans MJ, du jeu solo, du jeu à 2, du GN, du jeu épistolaire, du jeu avec dés, avec cartes à jouer, avec mikado, avec deck de cartes…
Public : je ne connais que Green Dawn Mall du coup je me posais la question.
Côme : Pour le coup à part Robonimaux qui ressemble par certains aspects à Green Dawn Mall, les autres n’ont pas grand chose à voir.
Public : Coucou Côme ! Petite question, tu parles de plein d’idée pour Green Dawn Mall, une possible extension à la sortie du jeu ensuite ?
Côme : C’est pas prévu pour le moment – les idées que j’avais en plus, je les ai mises dans les paliers débloqués pendant la campagne 😉 Après c’est comme pour le reste, peut-être qu’une idée débarquera sans prévenir… L’un de mes joueurs hier suggérait un hack Belle Époque et je trouve que c’est une excellente idée mais je vais la lui laisser.
Public : Du coup que reste-t-il comme système de résolution original que tu voudrais essayer ? Je suggère un jeu à base d’hippo-gloutons.
Côme : Je n’ai pas le monopole du système chelou, y a qu’à demander à Melville et ses jeux avec des dominos ! Pour le coup je ne crois pas qu’il y ait un jeu où j’ai commencé en me disant « Bon, quel système chelou j’ai pas tenté », c’est plutôt venu dans un 2e temps (par exemple, les mikados c’est dans L’Effet Doppelgänger, ça me paraissait une excellente façon de simuler les remous du multivers que les PJ visitent)
Eugénie : Est-ce que tu peux citer un retour de joueur ou joueuse qui t’a marqué ?
Côme : Sur mes mini-JdR, c’est un retour de Felondra à propos de Éternel samedi soir qui m’a beaucoup marqué : c’était la première fois que quelqu’un semblait avoir lu et joué à un de mes jeux, ça faisait très chaud au cœur !
Sur Green Dawn Mall, c’est sans hésiter les retours de Jan Van Houten, rôliste, prof et twittos qui m’ont beaucoup donné d’énergie : il anime un club JdR dans son collège, a fait jouer ses collégiens à GDM et ils ont adoré… Voir des fiches de perso remplies d’une écriture maladroite, ça m’a juste fait fondre !
Public : Et comment qu’on fait pour acheter GDM quand on n’a pas participé au foulancement ?
Côme : Je l’annoncerai à grand renfort de trompettes le moment venu, mais le PDF sera dispo sur ma page itch.io courant mai au plus tard. Pour la version imprimée, faudra passer en convention sur le stand des CA.
Public : Cool, PDF sera très bien :). Merci je m’abonne à ton itch.io
Côme : Ah oui tiens, c’est vrai qu’il y a sur ma page itch.io un kit de démo gratuit de Green Dawn Mall qui fonctionne aussi comme jeu indépendant (à un MJ et un PJ) et comme prologue au jeu complet !
Public : Cool ! Ahhh trop de jeux à tester
Autre Public : Pareil.
Autre Autre Public : On en est malheureusement tous là.
Eugénie : Et tu pourrais citer un autre jeu des CA que tu aimes ou qui t’intéresse tout particulièrement ?
Côme : Oulala, c’est beaucoup trop dur de n’en choisir qu’un seul !! Pour ne pas répondre Inflorenza comme mes camarades (c’est pourtant celui qui a sans doute changé le plus profondément ma façon de jouer), je dirais Psi*Run, pour sa simplicité d’usage et la façon dont il peut plaire à tout le monde, y compris à des gens qui n’ont jamais joué à un JdR de leur vie ! (mais en vrai ils sont tous trop bien)
Eugénie : Super chouette ! Gros merci à toi pour cette petite interview
Côme : Avec grand plaisir ! Merci à vous tou·te·s 🙂
- Léonard Chabert, la Petite Interview
La Petite Interview de Léonard a eu lieu sur le stand virtuel des Courants Alternatifs à la CyberConv le dimanche 5 avril 2020.
Eugénie : Hello à tous et à toutes, on va commencer la petite interview n°5 avec Léonard. Je vous propose de me laisser dérouler quelques questions générales dans un premier temps, pour que tout le monde puisse découvrir le jeu de Léonard ; et puis je vous donne la parole ensuite pour que vous lui posiez vos questions directement. Les plus naïves sont les bienvenues, les plus spécialisées hardcore aussi !
Salut Léonard, est-ce que tu peux te présenter pour des personnes qui ne te connaîtraient pas ?
Léonard: Je m’appelle Léonard Chabert, j’ai 44 ans. Je vis à Aix-en-Provence, et en plus d’être rôliste, je suis maître d’école.
Eugénie : Et côté JDR, est-ce que tu peux nous parler de ton parcours ?
Léonard : Comme beaucoup de rôlistes de ma génération, j’ai découvert D&D dans les années 1980. Très vite, je suis devenu MJ avec Chill. J’ai toujours été plutôt MJ, et pendant longtemps, j’ai peu joué, mais beaucoup écrit mes scénarios, mes univers et mes bouts de règles.
Les jeux qui ont eu le plus d’importance pour moi, tout au long de mon parcours, ont été Simulacres, Ars Magica, BIA, Cthulhu Gumshoe.
Eugénie : Tu viens de publier Pack Horse Library (un jeu formidable), est-ce que tu peux nous le présenter ?
Léonard : Pack Horse Library s’inspire de faits réels : pendant la crise des années 1930, dans le Kentucky, des femmes ont été employées comme bibliothécaires à cheval pour apporter des livres dans les villages, les fermes reculées de cette partie des Appalaches.
Dans le jeu, on joue un groupe de ces bibliothécaires qui part en tournée pour distribuer des livres. Chaque partie représente une journée de tournée dans une vallée, avec ses péripéties et ses rencontres.
Eugénie : Comment tu es tombé sur cette inspiration historique ?
Léonard : A la base, j’adore l’Histoire (j’ai d’ailleurs fait des études dans ce domaine), et en particulier les anecdotes étonnantes, les personnages incroyables et méconnus. Mais cette histoire-là, je crois tout simplement l’avoir découvert dans la rubrique « Le Saviez-Vous ? » de Wikipédia !
Eugénie : Le fait de jouer des femmes dans un contexte historique réaliste, incroyable et méconnu… ça rappelle beaucoup Night Witches (un jeu où on joue des aviatrices sur le front de l’Est, qui luttent contre les nazis avec les moyens du bord). Ce n’est pas un hasard, hein ?
Léonard : Pas du tout, en effet. Pack Horse Library n’aurait jamais vu le jour sans les aviatrices du 588e ! En fait, j’ai découvert Night Witches qui a été une grosse claque pour moi. Et à un moment, l’idée qui me trottait dans la tête d’utiliser les bibliothécaires à cheval en jeu de rôle a percuté l’influence de Night Witches, et paf, j’étais lancé.
On retrouve dans Pack Horse beaucoup d’aspects du système de Night Witches, et donc de l’Apocalypse en général, même si je m’en suis écarté de plus en plus au fur et à mesure de la création.
Eugénie : D’ailleurs c’est un jeu qui peut se jouer avec ou sans MJ. Est-ce que tu peux nous dire comment ça fonctionne ?
Léonard : Chaque partie est séparée en plusieurs chapitre : la préparation (on est à la bibliothèque, on cherche et on répare des livres, on règle des problèmes familiaux…), le voyage vers la vallée à atteindre, les visites (2 ou 3 par partie) et le retour.
Si on joue avec un meneur, il fera jouer tous ces chapitres. Mais le mode privilégié est celui avec MJ tournant : chaque joueur, à tour de rôle, va incarner la Narratrice. Son personnage se met en retrait, et il raconte les événements que vont vivre les autres bibliothécaires.
Les événements peuvent être préparés à l’avance, mais on peut facilement jouer sans préparation, car des tables d’événements sont proposées pour chaque chapitre.
Eugénie : Et la création de personnage comporte le fait de choisir le livre préféré de sa bibliothécaire … mais est-ce qu’on est obligé d’avoir lu Les Quatre filles du Dr March pour y jouer ?
Léonard : Non, pas du tout. En effet, les bibliothécaires sont définies à la base par leur responsabilité au sein du groupe et par leur Inspiration : un livre (de littérature classique anglo-saxonne en général) qui leur donne une vision du monde, des expériences qu’elles cherchent à vivre. Une liste de livres est donnée dans Pack Horse Library, avec leurs « caractéristiques » : De Grandes Espérances, Moby Dick, Jane Eyre… Il y a même une petit résumé, on peut faire croire qu’on a une culture littéraire !
Eugénie : Waouh !
Léonard : A noter quand même que ça peut donner envie de découvrir certains de ces livres. Ma bibliothécaire dans notre campagne en cours a comme Inspiration Tortilla Flat de Steinbeck. Du coup, je l’ai lu, et j’ai adoré.
Public : Bonjour ! Vu la période historique, comment faire en sorte que la partie ne tourne pas qu’autour du sexisme de l’époque ?
Léonard : C’est l’un des aspects du jeu. Mais ce n’est pas toujours déterminant. Les bibliothécaires sont des femmes du cru, elles sont mères de famille, un peu plus lettrées que la moyenne, appréciées par une partie de la population.
Dans beaucoup de familles, elles vont être accueillies courtoisement. Il y a aussi cette espèce de galanterie du Sud qui joue. Mais elles peuvent aussi être mises à l’écart parce que ce sont des femmes qui travaillent, des femmes qui lisent, ou simplement parce qu’elles ne sont pas de la vallée.
Public : J’organise une partie unique dans mon club ce soir, est-ce qu’en 3 ou 4 heures on peut jouer et s’amuser ou faut-il plus de préparation de la part de tous les joueurs avant de se lancer ?
Léonard : En 3-4 heures, c’est souvent suffisant pour créer les personnages (30 minutes) environ et pour faire une partie. Le jeu est assez clé en main, notamment grâce aux tables d’événements. Mais comme le contexte peut être un peu intimidant, j’ai aussi mis dans les annexes (téléchargeables gratuitement sur lulu) des fiches de contextes qui expliquent de façon succinctes certains aspects historiques.
Eugénie : Ah j’allais te demander ce qu’il y a dans ces annexes !
Léonard : Il y a les fiches de personnages (4 différentes, selon la responsabilité de la bibliothécaires), une liste de noms propres, un plan et une liste de lieux du Comté de Pike (la région par défaut où on va jouer), et les fameuses fiches de contexte.
Pubic : Je ne suis pas un lecteur assidu de romans et j’aurais peut-être une appréhension à jouer avec des personnes qui auraient vraiment lu les livres évoqués, est ce que tu as déjà joué dans cette configuration et comment ça marche ?
Léonard : L’aspect littéraire peut être mis en avant, mais ce n’est pas du tout obligatoire. Les bibliothécaires peuvent parler littérature, mais il y a beaucoup d’autres aspects importants, notamment l’aspect social. Et il ne faut pas oublier que ces bibliothécaires sont avant tout des femmes issues d’un milieu populaire, et que les livres qu’elles distribuent sont souvent des illustrés, des contes pour enfants, des magazines…
Public : Est-ce qu’il y a aussi des scènes de la vie quotidienne ? Je regarde quelques épisodes de Dr Queen femme médecin et le quotidien est mis en avant dans cette série. A-t-on la même chose avec ton jeu ?
Léonard : On ne joue pas les périodes entre les tournées, en tout cas dans le mode de jeu prévu. Mais le quotidien des bibliothécaires est régulièrement évoqué, notamment pendant la phase de préparation. Par exemple, parmi les Obstacles (événement) qui peuvent être rencontrés en début de partie, il peut y avoir : ton enfant est malade, il faut que tu trouves quelqu’un pour le garder pendant ton absence ; ton mari ne veut plus que tu ailles passer ta journée sur les routes, etc. Et en règle générale, on vit plus des petites choses de la vie quotidienne que de grandes aventures trépidantes dans Pack Horse Library !
Eugénie : On approche de la fin de l’interview, j’aurais encore deux question à poser. Est-ce que tu peux citer un retour de joueur ou joueuse qui t’a marqué ?
Léonard : Comme ça, j’ai du mal à trouver… Mais il y a un retour d’une amie prof et rôliste avec qui je parlais du jeu qui m’a marqué. Elle m’a dit : « En fait, c’est un jeu service public, quoi ? »
Eugénie : Je m’en souviens !
Léonard : Et c’est vrai que je vois un rapport entre le jeu et mon travail d’enseignant. Le fait d’essayer d’apporter des choses aux gens, souvent pas grand chose, parfois pas ce qu’on attendrait. Et que ce qu’on reçoit en retour est tout aussi important. Le jeu n’est pas destiné à dire : « Regardez, la culture, c’est super, la littérature sauvera le monde ! » Juste : « On fait ce qu’on peut. Des fois ça marche, des fois non. »
Public : Et un jeu de rôle sans combat !!!
Léonard : Tout à fait. Il n’y a pas de système de combat. Juste une action : « s’imposer » qui peut signifier aussi bien se mettre en colère, menacer, que donner un coup de poing.
Eugénie : … »coller la honte »…
Léonard : C’est ça ! Et ça marche souvent mieux qu’un revolver…
Eugénie : Et ma dernière question pour clore cette très chouette interview : est-ce que tu pourrais citer un autre jeu des CA que tu aimes ou qui t’intéresse tout particulièrement ?
Léonard : J’ai acheté récemment Sur les Frontières de Melville. J’aime beaucoup (et les illustrations sont une vraie claque !), mais je n’ai pas encore réussi à y faire jouer. Je vais peut-être profiter du confinement pour y faire jouer ma compagne et mon fils…
J’ai droit à un seul jeu, c’est ça ?
Eugénie : Oui ! Mais si tu en as un 2e que tu veux placer, VAZY ! c’est dimanche on a le droit !
Léonard : Toujours de Melville, j’ai très très envie de découvrir Aux Marches du Pouvoir. Le changement d’échelle par rapport aux autres jeux de rôle m’intéresse beaucoup.
Eugénie : Super chouette ! Merci beaucoup à toi pour cette petite interview !
Léonard : Merci à toi et autres intervenants. C’était ma première interview, et c’était très agréable.